La rencontre…

Rencontre avec un insecte de la famille des membracides

Une vie humaine comporte généralement quelques moments exceptionnels (dramatiques ou très heureux) et des millions d’instants parfaitement anodins. Entre ces deux extrêmes se nichent d’autres séquences de la vie.

La plus émouvante est la rencontre.

Ce mot doit être compris ici dans son sens le plus large. Il s’agit bien sûr de la rencontre entre deux êtres -amicale, amoureuse ou simplement sensuelle- mais cet instant divin s’étend bien au-delà. On peut citer la rencontre avec un animal, avec un paysage grandiose, avec une œuvre d’art…

Nous traitons par ailleurs ce thème dans l’un des chapitres de notre nouveau roman : « Katharsis« .

Ce passage -qui à Venise pour toile de fond- surprendra probablement bien des lecteurs…

Quel que soit le contexte, cet instant particulier peut aisément devenir magique si l’on accepte d’y apporter un supplément d’âme. Cette expression implique que l’on se mette en situation de recevoir l’autre sans a priori, sans jugement, sans réticence. La découverte de l’autre (ou d’un paysage majestueux, d’un monument somptueux ou d’une œuvre musicale émouvante) déclenche immédiatement en nous une émotion particulière.

Cette émotion peut, dans certains cas, se métamorphoser en extase.

Une fois de plus, nous préférons donner ici la parole à des poètes qui synthétisèrent notre quête d’absolu en quelques mots simples.

Nous invitons d’abord le poète autrichien Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) qui s’efforça de transcrire les principes de la philosophie néoplatonicienne à travers une œuvre riche et variée.

Dans un texte écrit en 1907 (Les chemins et les rencontres), Hugo von Hofmannsthal précise : « la quête et la rencontre sont de quelque façon au nombre des mystères d’Eros. Sur nos chemins en lacet nous ne sommes pas poussés vers l’avant par nos seuls actes, mais toujours attirés par quelque chose qui, semble-t-il, toujours nous attend quelque part et reste toujours voilé. Il y a comme un désir amoureux, une curiosité d’amour, dans notre progression. A chaque rencontre solitaire se même comme une grande douceur, ne fût-ce que la rencontre d’un grand arbre isolé ou celle d’un animal de la forêt qui s’immobilise en silence et dont les yeux nous fixent dans l’obscurité ». Il poursuit : « La rencontre, et non l’étreinte, est la véritable et décisive pantomime érotique. A nul instant, comme lors de la rencontre, la sensualité n’est aussi baignée d’âme, l’âme aussi baignée de sensualité ».

Il conclut enfin : « La rencontre promet davantage que ne peut tenir l’étreinte. Elle semble inscrite dans un ordre supérieur des choses, celui-là même qui préside aux mouvements des astres et à la fécondation des pensées ».

La rencontre est donc avant tout le symbole d’un moment privilégié : celui où les sens et l’esprit se fondent ensemble.

Et de cette fusion naît parfois l’extase.

Nous donnons maintenant la parole au grand poète anglais John Donne (1573-1631). Dans un superbe poème justement intitulé L’extase, il précise : « C’est que chaque âme enclôt en soi tout un mélange, et l’amour, remêlant ces âmes mélangées, de deux fait une seule ». Il poursuit un peu plus loin : « Et lorsque l’amour ainsi fait mutuellement deux âmes s’infuser l’une à l’autre à la vie, l’âme qui en découle corrige les défauts qu’avait chacune seule… ».

La notion d’âmes s’infusant l’une à l’autre nous plaît beaucoup. Ceci démontre surtout que la juxtaposition des rencontres (qu’elles se prolongent ou non par une extase…) nous enrichit, élargit notre regard sur le Monde et nous exhausse passagèrement au-dessus de la lie du quotidien propre à la condition humaine.

C’est ce que nous définissons comme une vision holistique du Monde, des autres et de nous-même. Et la concrétisation de cette approche désinhibée de la vie passe… par la rencontre avec l’autre !

Sans jugement. Sans a priori.