Monsu Desiderio ou l’émergence des abysses

La Terre vue par Monsu Desiderio

Celles et ceux qui ont lu « Cathédrales de brume » le savent parfaitement, nous apprécions les peintures crépusculaires et volcaniques de Monsu Desiderio.

Ignoré pendant 300 ans, il fut redécouvert au XXe siècle et André Breton célébra son talent original en le définissant comme un lointain précurseur du surréalisme.

Les atmosphères hallucinées peintes par Monsu Desiderio mêlent toujours le feu, la cendre, les ors du couchant et des résurgences de magma enfouis. Des panoramas ruiniformes émergent au creuset d’un crépuscule ensanglanté et l’explosion d’un bâtiment aux colonnes finement décorées se pétrifie en éternisant un moment qui ne vacillera plus.

L’une de ses toiles parmi les plus impressionnantes s’appelle « Le silence ». Un silence de lendemain d’Apocalypse. Un silence inhumain… ou trop humain !

Citons un extrait du livre que Pierre Seghers lui a consacré : « Les peintures de Desiderio projettent tout à coup une effervescence de fureur, une exaspération aussi grandiose que silencieuse. Les dômes qui éclatent, les architectures qui s’écroulent, les rotondes éventrées, les idoles livides, les frontons qui s’ébrèchent et les temples marqués d’une énorme croix noire révèlent une hantise, celle de la dévastation et de l’Apocalypse ».

C’est pour cette raison que nous avons donné comme sous-titre à cet article : l’émergence des abysses

Un détail important, en dépit de son nom italien, Monsu Desiderio (Monsieur Didier) n’est pas un peintre italien… mais deux peintres français originaires de Metz : Didier Barra et François Nomé !

Nés vers 1590, ils travaillèrent en Italie à partir de 1610 en combinant leurs compétences au sein d’une œuvre étrange et bicéphale.

L'Enfer vu par Monsu Desiderio

Une fois n’est pas coutume, nous allons citer un extrait de « Cathédrales de brume » qui met en scène un paysage que Monsu Desiderio aurait certainement pris plaisir à peindre.

En effet, vers la fin de cette hallucinante odyssée dans les méandres de l’espace et du temps, les atmosphères crépusculaires et fossilisées de Monsu Desiderio nous ont inspiré une scène pétrifiée par l’attente. Une attente de trois millions d’années….

Nous en profitons pour vous communiquer les liens vers les cinq plus récentes chroniques consacrées à « Cathédrales de brume » :

Sur le site www.mythologica.net

http://www.mythologica.net/index.php?option=com_content&view=article&id=280:cathedrales-de-brumes–oksana-a-gil-prou&catid=42:science-fiction&Itemid=57

Sur le site : www.wagoo.free.fr

http://wagoo.free.fr/spip.php?article1655

Sur le site : http://lautremonde.radio.free.fr

http://lautremonde.radio.free.fr/litterature.php?id=549

Sur le site : www.lavielitteraire.fr

http://www.lavielitteraire.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=157&Itemid=154

Sur le site : www.psychovision.net

http://www.psychovision.net/livres/critiques/fiche/671-cathedrales-de-brume

Après ces précisions, voilà le début de ce chapitre (le chapitre 32) :

« L’immense plaine était jonchée de statues, certaines encore fièrement érigées. Beaucoup étaient décapitées. Les autres dormaient d’un sommeil éternel, face contre terre. Perpétuellement noyée dans une lumière crépusculaire glorifiant les tons ocre, vineux et olivâtre, la scène exsudait une gothicité impressionnante. Par endroit fusait une incandescence oubliée, un bloc de lave encore fumant et dont l’effervescence rougeoyante laissait imaginer des meutes de diablotins dansant un funeste sabbat.

Au centre de la plaine sinuait une paisible rivière dont l’indigo tranchait avec ces dégradés d’Enfer, de ténèbres et de mort annoncée.

Toutes les statues se bousculant à l’horizon s’arrogeaient une posture altière, presque conquérante. Les hommes étaient vêtus à l’antique, généralement armés d’une épée ou d’une lance. Leur tête était systématiquement couverte par un casque aux formes tourmentées que surmontaient gryphes, chimères et dragons. Elégantes, les femmes étaient pudiquement vêtues d’une longue robe drapée. Leurs chevelures, bouclées ou réunies en chignons complexes hérissés d’aiguilles d’obsidienne, s’ornaient parfois d’une résille arachnéenne ou d’une délicate coiffe métallique. Il était impossible d’en inférer l’origine précise : couronne, tiare ou diadème.

Les hommes se tenaient toujours droits, hiératiques, presque guindés, alors que les silhouettes féminines adoptaient une posture légèrement cambrée et passablement déhanchée. Nul ne savait si cette attitude singeait un mouvement abruptement figé à la suite d’un cataclysme, tels les restes statufiés des habitants d’Herculanum et de Pompei, ou si ce déhanchement voluptueux constituait une singularité propre à ces femmes de pierre regroupées par milliers dans une nécropole géante à ciel ouvert.

Quelques personnages demeuraient étrangement isolés, songeurs. Mais la majorité se regroupait le long de hautes colonnes, petits temples circulaires, hémicycles dévastés ou voûtes partiellement écroulées. Formant des cercles presque parfaits autour des monuments exhaussés, les silhouettes humaines, pétrifiées dans une pierre ivoirine et miroitante, éternisaient une lente danse interrompue en des temps immémoriaux et qu’un crépuscule permanent réchauffait d’une lumière soufrée.

Cramponnés au sommet de plusieurs édicules noyés dans une brume verte et or encapuchonnant le capharnaüm de ces ruines gigantesques, quelques fantômes étranges surgissaient.

Cinq surtout étaient surprenants.

Les deux premières ombres, quasiment gémellaires, formaient une coquille élégamment spiralée dont les convolutions régulières s’achevaient vers le bas, laissant la place à un inextricable réseau de filaments et d’appendices avortés.

La troisième trônait placidement au sommet de la plus massive colonnade, celle-ci transperçant impudiquement un dôme déchiqueté par les errances du temps. Plate, oblongue, elle singeait un gigantesque cloporte auréolé de fins voiles vitrifiés par l’attente. La quatrième était immense et dédoublée. Caparaçonnée d’écailles dardant vers le ciel des moirures carminées, elle était beaucoup trop longue et volumineuse pour se maintenir en hauteur. Gisant pesamment au sol, elle laissait luire d’impressionnantes rangées de dents aux éclats sanglants. Une silhouette de femme complétait cette ombre reptilienne. La poitrine arrogamment dressée, le corps incliné vers l’arrière, l’amazone échevelée chevauchait l’étrange cavale, éternisant ainsi une attitude impie.

La dernière créature enfin était inquiétante et malsaine. Une forme vaguement humaine encore, mais que déchiquetaient des excroissances imbriquées et des têtes multiples écarquillant d’immenses yeux vides. Deux larges ailes d’archéoptéryx battant régulièrement filigranaient enfin cet orant sulfureux tout empreint d’une humanité luciférienne.

Plus loin, un couple de bouviers empanachés à la mode du XVIIe siècle se figeait autour de deux brebis. Derrière eux, une gracieuse silhouette immobilisait le même geste depuis quelques siècles. Seuls les longues boucles violine cascadant sur ses épaules et l’incarnat de ses lèvres finement ourlées révélaient encore son origine étrangère dans ce monde voilé de poussières mordorées opacifiant un horizon crénelé de tombeaux éventrés et de cénotaphes en ruine. Cerclant ses bras d’une froide élégance, deux serpents rigidifiés dans la pierre se redressaient en vain.

La dernière architecture d’Amaranth se tissait d’or, de rouille, de braises incandescentes et de mort. »

Si cette peinture se situant toujours à la confluence du fantastique et des racines chthoniennes de l’esprit humain vous intéresse, nous vous conseillons la lecture de deux livres consacrés à cet ange du bizarre : Monsu Desiderio ou le théâtre de la fin du monde par Pierre Seghers (Robert Laffont) et Métaphysique des ruines par le philosophe Michel Onfray (Editions Mollat).

Syzygie : la sublime accointance

Syzygie galactique

Certains mots de la langue française ont une consonance étrange. C’est le cas pour : « syzygie »…

Indépendamment de ses indéniables possibilités pour les joueurs de Scrabble, syzygie symbolise une réalité astronomique dont le sens va bien au-delà d’une subtile horlogerie cosmique.

Revenons en un premier temps à sa définition stricte.

Une syzygie définit un alignement de trois corps célestes. Dans notre système solaire, cette configuration particulière s’observe, par exemple, lorsque le soleil, la terre et la lune sont alignés. C’est le cas lors des éclipses de lune ou du soleil.

Naturellement cette expression s’emploie aussi en dehors de l’orbite terrestre.

Encerclées d’un carrousel turbulent de plusieurs dizaines de satellites, les planètes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) se retrouvent fréquemment dans cette situation particulière.

Ce phénomène se vérifie continûment au sein de tous les systèmes stellaires qui mosaïquent l’univers de leurs brasiers nucléaires.

Mais ce n’est pas réellement cette singularité astronomique qui capte notre attention aujourd’hui.

Ce qui nous fascine avec les syzygies, c’est la connivence exceptionnelle qui unit, certes très fugacement, des astres parfois colossaux qui cristallisent alors un instant très particulier… celui de la sublime accointance !

Ephémère et fugace, ce moment s’auréole immédiatement d’une symbolique très forte qui nous situe à l’aplomb de nos propres espérances, de nos propres contradictions.

De nos potentialités dissimulées par la boue d’un quotidien qui paralyse nos élans.

Une syzygie n’est en réalité que la traduction titanesque, à l’échelle du cosmos, de cette sourde et délicieuse pétrification d’éternité qui jaillit en nous lorsque deux êtres se rencontrent.

Dans un texte écrit en 1907 (Les chemins et les rencontres), le poète autrichien Hugo von Hofmannsthal définit parfaitement les arcanes de cette étrange connivence qui illumine l’azur.

Même sous l’orage…

Il précise : « la quête et la rencontre sont de quelque façon au nombre des mystères d’Eros. Sur nos chemins en lacet nous ne sommes pas poussés vers l’avant par nos seuls actes, mais toujours attirés par quelque chose qui, semble-t-il, toujours nous attend quelque part et reste toujours voilé. Il y a comme un désir amoureux, une curiosité d’amour, dans notre progression. A chaque rencontre solitaire se même comme une grande douceur, ne fût-ce que la rencontre d’un grand arbre isolé ou celle d’un animal de la forêt qui s’immobilise en silence et dont les yeux nous fixent dans l’obscurité ».

Il poursuit un peu plus loin : « La rencontre, et non l’étreinte, est la véritable et décisive pantomime érotique. A nul instant, comme lors de la rencontre, la sensualité n’est aussi baignée d’âme, l’âme aussi baignée de sensualité ».

Il conclut enfin : « La rencontre promet davantage que ne peut tenir l’étreinte. Elle semble inscrite dans un ordre supérieur des choses, celui-là même qui préside aux mouvements des astres et à la fécondation des pensées ».

La rencontre est donc avant tout le symbole d’un moment privilégié : celui où les sens et l’esprit se fondent ensemble.

Et de cette fusion naît, parfois, l’extase.

On observera immédiatement que cette « rencontre » peut, naturellement, concerner deux êtres humains dont les trajectoires personnelles se percutent, Mais ce « heurt magique » concerne aussi une rencontre avec un animal, un paysage, une atmosphère particulière.

Il s’agit ici de la rencontre avec l’ « autre » dans le sens le plus absolu du terme. Dans « Cathédrales de brume » nous exploitons cette connivence en mettant en lumière ses aspects les plus exubérants. Les plus fous…

La syzygie illustrerait ainsi cette « paralysie de l’instant » qui peut exhausser le meilleur de nous-même bien au-delà de la fragile écorce du corps et des sens.

Syzygie dans la Nature...

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche résuma parfaitement la densité incroyable de cet instant (celui de la rencontre, ou celui qui rythme l’émergence de l’émotion pure) lorsqu’il précisa : « Deux voies ici se joignent, que ne suivit personne jusqu’au bout. Cette longue voie derrière dure une éternité. Et cette longue voie devant est une seconde éternité. Elles se contredisent, ces voies, se heurtent de plein front ; et c’est ici, sous ce portique, qu’elles se joignent. Le nom de ce portique est là-haut inscrit : « instant ! ».

Partant du principe que la vie est à la volonté ce que l’ombre est au corps, on réalise pleinement ici le rôle essentiel de cette « syzygie intime » qui flamboie en nous lorsque deux regards se croisent.

Lorsque deux sensibilités s’unissent.

Lorsque deux âmes se mêlent.

Lorsque deux vies décident de confronter leurs exigences sur l’autel d’une volonté commune.

Ceci s’appelle, l’amour, le désir, l’amitié. Ou la solidarité.

Qu’importe !

Ce sentiment d’accointance est unique et concélèbre une qualité humaine que ce siècle foule avidement au pied : la capacité d’émerveillement…

Le poète portugais Eugénio de Andrade confirma : « j’habite à présent les yeux des enfants » (Matière solaire). On peut -sans crainte d’être démenti- affirmer que tant que certains êtres humains habiteront encore les yeux des enfants, l’humanité ne sera pas totalement avilie.

Levons parfois les yeux vers le ciel afin d’admirer les syzygies stellaires. Puis regardons l’ « autre » avec un regard neuf.

Privilégions cet instant. Il est unique.

Et merveilleux…

Deux soleils dans la nuit mérovingienne

Un soleil dans la nuit...

Une précision liminaire s’impose immédiatement. L’emploi de l’expression « nuit mérovingienne » acquiert ici un caractère purement métaphorique. Il serait en effet totalement absurde -et très injuste- de laisser croire que le Moyen-âge fut une époque de totale récession intellectuelle, économique et artistique.

Les spécialistes s’accordent désormais sur ce sujet longtemps controversé. Ils nous confirment tous que le millénaire séparant la fin de l’Empire romain de la Renaissance fut bien plus qu’une parenthèse sanglante célébrant uniquement l’obscurantisme et la barbarie. Bien au contraire.

Les reines que nous évoquerons ici symbolisent deux parcours très différents, mais qui se recoupent étrangement parfois. Parcours, par ailleurs, relativement mal connus du grand public en raison de l’omniprésence arrogante de notre obscurantisme moderne.

Il est évident que le nom de Radegonde n’évoque pas systématiquement une époque précise, et moins encore le nom de son époux : Clotaire Ier. Cela se complique encore avec la reine Clotilde.

L’incurie actuelle de notre enseignement de l’Histoire de France, qui radote sempiternellement entre Révolution française et Seconde Guerre mondiale en oubliant superbement 18 siècles d’Histoire se matérialise chaque jour un peu à travers l’amnésie totale qui affecte 99% de nos concitoyens.

Nous pouvons donc confirmer que Clotilde était la femme de Clovis et que son rôle fut essentiel à l’aube de l’ère mérovingienne.

Nous allons donc essayer de remédier à cette injustice, car les destinées de ces femmes furent exceptionnelles, exemplaires même, et la pérennité de leur action se prolongea bien au-delà de leur parcours personnel.

Cristallisant notre foi en l’être humain, l’évocation de leurs espérances souvent bafouées, de leur opiniâtreté et de leur grandeur d’âme, nous remémore que, comme l’affirme Miguel de Unamuno dans son Journal intime : « Chacun de nous est le confluent d’une éternité et d’une immensité ».

Ces femmes furent immenses. Et elles demeureront éternelles, même si l’usure du Temps estompe trop hardiment leurs silhouettes.

Commençons par Clotilde.

Si l’on accorde un réel crédit aux propos de Grégoire de Tours, la vie de la jeune princesse Clotilde commença dans le bain de sang consécutif au meurtre de ses parents et avec les flots de larmes de sa sœur Chrona.

Il est à remarquer que le drame vécu par Clotilde fut récurrent pendant toute la période mérovingienne et s’inscrit en droite ligne de la règle successorale qui prévalait alors dans les familles royales germaniques.

En dépit de nos affirmations et de nos certitudes, les choses n’évoluent guère dans ce domaine. Au XXIe siècle nous constatons chaque jour qu’une vie humaine ne représente toujours strictement rien lorsque des intérêts politiques ou économiques vitaux sont en jeu. Et cette cruelle réalité se retrouve avec une obstination décourageante tout au long de l’Histoire de l’humanité.

A la mort de Gondeuch, le troisième roi des burgondes, sa succession se métamorphosa rapidement en carnage. Ses quatre fils se partagèrent son royaume. Chilpéric et Godomar héritèrent de Vienne et de Valence, Godégisile régna sur Genève et Gondebaud obtint Dijon.

Mais l’ambition dévorante de Gondebaud le poussa à massacrer toute sa famille. Seules les deux filles de Chilpéric, Clotilde et sa sœur aînée, furent épargnées. Comme l’imposait la coutume à cette époque, Gondebaud se chargea de l’éducation de ses deux nièces. Celles-ci ne pouvaient naturellement oublier le massacre de leurs parents et la rancœur s’ancra inexorablement en elles, crucifiant leur âme et forgeant leur haine du monstre.

Toutefois leur oncle leur laissant une certaine liberté, elles vécurent leur adolescence en tant que filles de roi, et non comme prisonnières souillées d’opprobre.

Gondebaud recevant une ambassade mandée par Clovis, les envoyés du roi purent admirer la beauté, l’intelligence et la sagesse de cette jeune fille de sang royal. Or, indépendamment de sa vénusté naturelle et de la vivacité de son esprit toujours en éveil, Clotilde était chrétienne. Cette qualité supplémentaire séduisit immédiatement le roi des franc qui venait de soumettre de nombreuses populations gauloises, elles aussi chrétiennes, et qui anticipait ainsi un rapprochement salutaire évitant bien des conflits ultérieurs.

En fin stratège, Clovis désirait par ailleurs se concilier les faveurs des évêques. En conséquence une union avec Clotilde présentait plusieurs avantages que l’habile roi des francs concrétisa rapidement en exprimant son souhait d’épouser Clotilde. Sa puissance aidant, il obtint rapidement l’autorisation de Gondebaud et l’acquiescement de Clotilde.

Le mariage fut célébré à Soissons en 493.

La jeune reine exprima rapidement le désir d’obtenir une conversion de Clovis à la foi chrétienne. Afin de parvenir à ses fins, elle étaya son propos de considérations polémiques : « Les dieux que vous adorez ne sont rien car ils sont de pierre, de bois ou de métal. Les noms que vous leur avez donnés ne sont que des noms d’hommes. Ils possèdent plutôt la magie que la puissance divine. Le Dieu qu’on doit adorer est celui qui, par sa parole, a tiré du néant le ciel, la terre, la mer et qui a semé le ciel d’étoiles ».

On a ainsi le sentiment presque surréaliste d’entendre, avec onze siècles d’avance, les hymnes vibrants de Giordano Bruno découvrant l’infinité des Mondes…

En dépit de ces pressions familiales affectueuses et régulières, le roi des francs regimbait systématiquement et refusait d’être baptisé. Il accepta toutefois que leur premier enfant reçoive ce sacrement. Hélas le nourrisson mourut la semaine suivante, ce qui conforta aussitôt Clovis dans son opposition.

Pugnace, Clotilde s’obstina et son influence sur le roi devint de plus en plus importante.

Après la difficile victoire obtenue par Clovis et son armée à la bataille de Tolbiac, le roi des francs accepta de se convertir à la foi chrétienne. Son baptême eut lieu à Reims le 25 Décembre 499.

En le baptisant, l’évêque Rémi proclama : « adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ! ». En tant que souverain des francs, Clovis reçut l’onction du saint chrême et 3 000 hommes de son armée furent simultanément baptisés le même jour. Les deux sœurs de Clovis : Lantéchilde et Audeflède, se convertirent aussi lors de cette journée mémorable qui influa durablement sur les destinées futures de la France encore naissante.

Par la suite Clotilde eut une fille, qui s’appela aussi Clotilde. Cette dernière épousa Amalaric le roi des Wisigoths. Elle eut aussi trois fils : Childebert, Clotaire et Clodomir. Pendant ce temps, le roi poursuivit ses conquêtes en arguant de la nécessité de préserver la foi chrétienne, ce qui lui permit d’asservir les rois francs dont il convoitait les terres.

Sa victoire lors de la bataille de Vouillé renforça l’omniprésence de son pouvoir et l’éclat de son règne fondateur.

A la mort de Clovis en 511, Clotilde assuma la régence.

Le conflit toujours latent avec le royaume de Bourgogne et Sigismond, son impérieux souverain, éclata brutalement. Clotilde demanda à son fils aîné, Clodomir, d’envahir la Bourgogne afin de réprimer les errements d’un roi qui poursuivait les crimes de son père. Clodomir parvint à ses fins et fit exécuter le fils de Gondebaud, sa femme et ses enfants. On observera à cet instant que la période mérovingienne fut totalement en phase avec le reste de l’Histoire de l’humanité quant à sa capacité à massacrer, à torturer, à asservir.

Les clones d’Hitler et de Staline sont partout. Et à toutes les époques.

C’est par ailleurs pour cette raison que, lorsque le héros de « Cathédrales de brume » est contraint à endurer tous les moments importants vécus par l’ensemble des êtres humains qui le précédèrent sur Terre, les instants de bonheur ou de plaisir intense sont dilués dans un torrent de souffrances presque infinies.

Ecce homo

Mais revenons à l’époque mérovingienne.

Clodomir ne put profiter longtemps de son triomphe car il tomba dans une embuscade et fut tué par des troupes burgondes.

Une triste période commença alors pour la reine Clotilde. Ses deux derniers fils, Childebert et Clotaire, guerroyaient stérilement l’un contre l’autre afin de déterminer une prééminence nuisible au royaume et coûteuse en vies humaines. A la même époque, sa fille était persécutée par son époux, Amalaric, le roi des Wisigoths.

Childebert parvint à la délivrer, mais la jeune femme décéda sur le chemin du retour.

Après avoir prématurément perdu son mari, la reine Clotilde enchaînait ainsi deux deuils douloureux dans un contexte particulièrement sombre. Elle reporta son amour sur les trois enfants de Clodomir.

Afin d’éliminer une succession qui pouvait leur être hostile, Childebert et Clotaire s’associèrent afin de faire disparaître les trois malheureux descendants de leur frère défunt. Trompée par ses fils en raison d’un quiproquo élaboré avec une rare sournoiserie, Clotilde fut indirectement responsable du massacre de deux des trois fils de Clodomir, le dernier ayant mystérieusement disparu.

Rassasiés de sang, les deux misérables se partagèrent ensuite le royaume de Clodomir. Histoire sans fin…

Effondrée après les ignominies commises par ses fils, Clotilde se réfugia de plus en plus fréquemment dans la prière, tout en veillant à parfaire une saine administration du royaume légué par Clovis.

Elle décéda en 545 et fut inhumée près de son prestigieux époux.

Le crime et l’abjection étant rarement punis, Childebert régna sous le nom de Childebert Ier. Clotaire administra plus tard le royaume des francs sous le nom de Clotaire Ier.

La douloureuse destinée de Clotilde symbolise donc, une fois de plus, l’étroite connivence unissant l’ombre et la lumière.

Cette femme admirable favorisa l’éclosion de la France dans sa définition la plus ancienne et la plus noble, puis elle connut les affres d’innombrables décès et le constat de la vilenie de deux de ses fils.

Chez les êtres exceptionnels, cette dualité implicite s’exprime généralement très douloureusement car l’intensité de la lumière et du bonheur n’a d’égale que la férocité de l’ombre. Mais le processus de maturation poursuit son œuvre rédemptrice et, comme le stipule Peter Sloterdjik  dans Ecumes, le dernier opus de sa trilogie intitulée Sphères : « Lorsqu’une grande exagération a fait son temps, des essaims d’essors plus discrets s’élèvent ». A cet instant apparaît clairement le fait que la pensée humaine demeure systématiquement le lieu de la séparation permanente entre l’explicite et le latent.

Clotilde fit donc émerger la lumière tout en instillant des essaims d’essors plus discrets. Et plus féconds aussi. Hélas, la face obscure de l’âme humaine la rattrapa au crépuscule de sa vie. Mais son souvenir demeure en nous et la lumière émanant de la personnalité de Clotilde se prolongera bien au-delà des siècles. Et c’est très bien ainsi.

Passons maintenant à la reine Radegonde

Née en 519, Radegonde était la fille de Berthaire, roi d’une partie occidentale de la Thuringe (en Germanie).

Cela ne surprendra personne désormais, Berthaire fut tué par son frère qui bénéficiait de l’appui du roi franc Clotaire Ier.

Après le massacre de la quasi-totalité de la famille royale, la petite Radegonde échut à Clotaire Ier alors qu’elle n’avait que cinq ans. Ce dernier comprit immédiatement qu’aucun héritier ne pouvant désormais réclamer le royaume de Thuringe, cette fillette représentait un bien très précieux : la clef d’un nouveau territoire enrichissant son royaume sans combat. Et sans heurt.

Encore nubile, la malheureuse fut contrainte à vivre près de l’homme qui avait été l’instigateur du massacre de sa famille. Peut-on imaginer les souffrances de cette fillette devant subir chaque jour une odieuse promiscuité avec un monstre à peine repu du sang de ses parents. Goethe nous éclaire en évoquant métaphoriquement cet éternel tourment : « Du ciel tomba dans l’effroi des mers furieuses une goutte apeurée, parmi les flots déchaînés  ».

Pendant d’oppressantes années Radegonde dut être une goutte apeurée.

Arrivant à la maison royale d’Athies en Vermandois, la fillette reçue toutefois une éducation raffinée sous la houlette d’Ingonde, l’épouse de Clotaire.

Plusieurs années s’écoulèrent.

Ce ne furent nullement des années d’insouciance, mais son intelligence pétillante lui permit d’apprécier hautement la lecture des manuscrits latins que ses maîtres lui confiaient. Se passionnant pour les saintes Ecritures, elle démontra rapidement une foi chrétienne intense, consacrant de longues heures à la prière. Refusant de se réfugier dans un érémitisme stérile, elle se vouait déjà beaucoup aux autres, son altruisme allant jusqu’à panser les plaies des pauvres et des mendiants, populations peu épargnées par des années de guerres incessantes.

Naturellement, elle redoutait toujours le regard caressant et obscène de Clotaire lorsque ce dernier passait en ces lieux d’étude et de quiétude.

Hélas, Ingonde mourut en 536. Le roi s’empressa de faire comprendre à la jeune Radegonde qu’il souhaitait l’épouser en la couvrant de cadeaux et en étant anormalement prévenant et gentil. La jeune fille n’était pas dupe, mais elle n’avait aucun moyen d’échapper à son destin. Elle devint ainsi reine de Neustrie et dut partager sa vie avec le monstre qui avait orchestré le meurtre de ses parents.

La vie à la cour lui déplaisait réellement et elle ne s’égaillait que lorsqu’un lettré venait la distraire en lui commentant des textes latins ou en apportant les écrits des plus grands philosophes. Elle les couvrait alors de cadeaux en leur demandant de promettre de revenir.

Il semble que Clotaire Ier ait sincèrement aimé Radegonde et que ce mariage forcé ne s’inscrivit pas automatiquement dans une pure logique comptable liée au contrôle de la Thuringe. Toutefois le peu d’empressement de la reine et sa dévotion irritaient le souverain qui rugissait souvent : « Ce n’est pas une reine que j’ai là, c’est une nonne ! ». Mais Radegonde s’adaptait progressivement à cette situation ambiguë.

Un séisme affectif détruisit toutefois définitivement ce fragile et pervers équilibre car, manquant totalement d’humanité et de psychologie, Clotaire Ier s’aliéna définitivement la reine en faisant mourir son frère !

Lassée de la cruauté presque insouciante de son époux, Radegonde demanda à s’éloigner de cette cour qui ne pouvait désormais que lui remémorer des souvenirs de plus en plus atroces.

Le roi accepta en rechignant et Radegonde se dirigea à Noyon où elle fut accueillit par l’évêque de le ville : Médard, dont le nom deviendra illustre par la suite pour des raisons purement climatiques. Elle lui demanda immédiatement de la consacrer au Christ, mais les hommes armés qui l’accompagnaient si opposèrent car la reine ne pouvait être en même temps religieuse. Bravant les soudards, Médard la nomma diaconesse.

N’osant contrecarrer l’autorité sacerdotale, la troupe s’esquiva afin de prévenir le roi.

Consciente du danger pour elle-même, et surtout pour les personnes qui l’accompagnent dans cette fuite, Radegonde décida de gagner Orléans, puis de poursuivre jusqu’à Tours.

Enfin libre de toute emprise, elle écrivit au roi afin qu’il autorisa leur séparation, Radegonde souhaitant désormais se consacrer à une vie pieuse. Clotaire refusa et la situation perdura quatre longues années.

Se déplaçant sur Tours, le roi songea à enlever sa femme afin qu’elle revienne avec lui et reprenne son titre de reine des francs. Réalisant que violer l’asile de Saint Martin de Tours et reprendre de force une religieuse ayant fait vœu de chasteté le condamneraient probablement plus sûrement que tous ses crimes passés, il renonça à son monstrueux projet.

Souhaitant éviter la réitération d’une semblable mésaventure, Radegonde poursuivit sa fuite lancinante. Elle se réfugia donc à Saint Hilaire de Poitiers. Clotaire comprenant enfin que son épouse ne reviendrait jamais, il relâcha son étreinte psychologique et accepta définitivement qu’elle fonde un monastère à Poitiers. Se métamorphosant étrangement après cette décision qui dut être très difficile pour lui, il brida son arrogance naturelle et se montra doux et prévenant envers la femme qui avait sut répondre négativement à ses outrances.

Lorsque Radegonde put enfin s’installer dans le monastère qu’elle avait fait soigneusement bâtir, elle était déjà vénérée comme une sainte. La congrégation fut organisée et le monastère prit sa vraie dimension mystique et culturelle car les jeunes religieuses qui entouraient Radegonde consacraient de longues heures à la lecture des textes latins. Enfin radieuse et apaisée, la reine refusa d’être abbesse et redevint simple religieuse.

Femme exceptionnelle ayant été fille du roi de Thuringe, reine des francs, fondatrice d’un monastère et supérieure d’une communauté religieuse importante, Radegonde ne conservait aucune prérogative particulière, hormis l’ascendant naturel que lui conférait son altruisme et sa bonté presque universelle.

Clotaire étant décédé en 561, le monastère fut régulièrement sous le contrôle de deux de ses fils : Sigebert Ier et Chilpéric Ier.

En 566, un jeune poète italien nommé Fortunat s’installa à Poitiers et se lia d’amitié avec Radegonde. La sainte appréciait ses qualités de poètes et ses vertus. Lors du mariage de Sigebert avec la trop tristement célèbre Brunehaut, Fortunat élabora des poèmes et des épithalames  qui enchantèrent la Cour et renforcèrent sa notoriété.

Fortunat s’interrogeant quant à son avenir, Radegonde le persuada de métamorphoser ses talents au service de Dieu et des populations qui souffraient des séquelles des interminables guerres opposant les francs entre eux.

De l’amitié profonde qui unissait la sainte et le poète naquit une vocation sereine : Fortunat devint prêtre de l’église de Poitiers, achevant ainsi une longue quête de lui-même après avoir sillonné l’Italie et la France.

Les longues discussions crépusculaires unissant Fortunat et Radegonde se traduisirent à travers plusieurs évocations émouvantes contenues dans les Récits des temps mérovingiens. Au fil de ces chroniques, des souvenirs douloureux et cruels transparaissent en trames presque impalpables, intrigues arachnéennes remémorant amèrement la sombre jeunesse d’une petite fille assistant au massacre de sa famille et devant ultérieurement épouser son bourreau.

Après avoir magnifiée pendant une soixantaine d’années les plus hautes vertus morales et des qualités intellectuelles exceptionnelles, Sainte Radegonde s’éteignit en paix en 587, entourée de l’affection de tous.

Les destinées croisées de ces reines atypiques démontrent, une fois de plus, qu’il faut se défier des apparences, des archétypes simplistes, des stéréotypes trompeurs.

La réalité humaine est toujours plus complexe qu’une simple surface réfléchissante.

Dans une période historique difficile et que l’on nomme trop aisément barbare, probablement pour occulter l’épouvantable barbarie de la nôtre, ces femmes démontrèrent des qualités que l’on ne retrouvait pas systématiquement chez les hommes ayant le même pouvoir.

Elles assumèrent leur rang et surent faire preuve d’intelligence, de pragmatisme, de sensibilité et d’abnégation.

Partageant avec certains de nos contemporains des valeurs de tolérance et d’humanité qui outrepassent largement les frontières de l’espace et du temps, Clotilde et Radegonde, symbolisent des fanaux éternels qui ensoleillent nos espérances et nous portent un message de vérité : seul compte l’amour…

Le calendrier de l’Apocalypse

Le crépuscule du Monde...

Les informations que vous trouverez ci-dessous ne sont absolument pas secrètes. Elles ne font pas l’objet d’un protocole particulier visant à en interdire la diffusion.

Elles ne sont pas mystérieuses, ou iconoclastes.

Toutefois, elles apparaissent rarement dans les médias en dépit de leur importance.

Afin de ne point nous approprier indûment des informations qui doivent, bien au contraire, être largement diffusées, nous précisons que cette chronologie des carences du futur s’inspire ouvertement du site : www.terresacree.org qui constitue une excellente source d’informations lucides sur l’avenir de notre planète.

Bizarrement exclues des grands courants médiatiques qui nous abreuvent, ces informations font référence à ce que nous appelons le « calendrier de l’Apocalypse ».

L’expression peut paraître excessive et grandiloquente. Elle ne l’est pas.

La preuve !

Ce calendrier illustre les différentes périodes qui verront nos principales ressources fossiles (minerais et combustibles) s’épuiser au-delà d’un seuil tolérable. En clair, cela signifie : à quelle date nos ressources naturelles deviendront-elles inexploitables en raison de leur rareté et d’un coût d’exploitation prohibitif ?

Exemple : la date prévue pour l’exploitation du cuivre est actuellement fixée à 2039. Cela ne signifie nullement que l’on ne trouvera plus de cuivre dans les mines au-delà de cette date, mais les coûts d’extraction deviendront si élevés que la consommation devra fondre comme neige au soleil.

Les raisons de cette hausse affolante des coûts sont liées, soit à la rareté du produit (une extraction infinie d’un produit fini s’achève toujours douloureusement), soit à la difficulté d’accès (filons trop profonds ou situés dans des zones a priori inaccessibles).

Avant de vous communiquer les principales échéances de ce « calendrier de l’Apocalypse », il convient de préciser rapidement l’origine des ressources minières et des combustibles fossiles.

Les minerais métalliques proviennent de roches contenant des composés métalliques (fer, cuivre, aluminium…) qui se concentrent et forment des gisements. La minéralisation s’est faite dans les profondeurs de l’écorce terrestre (pression et chaleur élevées), puis ces strates sont remontées près de la surface lors des bouleversements géologiques qui se succédèrent pendant plus de quatre milliards d’années. Ces ressources minières sont dites « fossiles » car il faut des centaines de millions d’années pour que s’effectue cette étrange alchimie.

Les combustibles fossiles (principalement pétrole, gaz et charbon) sont quant à eux d’origine végétale. Issus des grandes forêts du Carbonifère et d’autres périodes géologiques ou prévalurent des végétations luxuriantes, ils se formèrent au fond des océans sous les actions combinées de la chaleur, de la pression et de l’activité vorace de bactéries spécialisées.

Voilà donc une version simplifiée de ce « calendrier de l’Apocalypse ».

La version complète est disponible sur www.terresacree.org .

–          2021 : fin de l’argent

–          2025 : fin de l’or et du zinc

–          2028 : fin de l’étain

–          2030 : fin du plomb

–          2039 : fin du cuivre

–          2040 : fin de l’uranium

–          2050 : fin du pétrole

–          2072 : fin du gaz naturel

–          2087 : fin du fer

–          2139 : fin de l’aluminium

–          2158 : fin du charbon

Rappelons une fois de plus ici que ces dates sont des estimations. Elles précisent le moment où l’extraction des richesses citées ci-dessus deviendra exagérément onéreuse. Ces dates prennent en compte notre rythme actuel de consommation des principales matières premières fossiles.

Si nous devenons raisonnables ces échéances seront reportées.

Mais il est probablement temps de nous remémorer l’information la plus importante de ce siècle : nous serons neuf milliards en 2050 !

Hormis quelques politiques manipulateurs et hypocrites (cette espèce nuisible semble même proliférer depuis quelques semaines…), qui osera prétendre sans rougir que nous impacterons moins notre planète lorsque nous serons 2 500 millions d’êtres humains en plus !!!

Ce « calendrier de l’Apocalypse » est donc déjà obsolète et certaines dates anticiperont nos craintes.

Le lien unissant cette chronologie et le réchauffement climatique peut paraître ténu.

Erreur ! Il est évident.

En effet, la disparition progressive de nos ressources naturelles, minières et énergétiques, sera totalement corrélée à l’augmentation des quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ; et donc à l’accroissement du réchauffement climatique.

Un seul exemple suffit.

En observant ce calendrier démoniaque, on constate immédiatement que les réserves de pétrole s’épuiseront un siècle avant les réserves de charbon. Or, de toutes les énergies fossiles existantes, le charbon est celle qui dégage le plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. A titre d’exemple, la Chine inaugure une nouvelle centrale électrique à charbon… tous les 7 jours !

Cherchez l’erreur…

Ceci confirme, hélas, que ce seront les conséquences sociales du réchauffement climatique et de la disparition de nos ressources naturelles qui métamorphoseront l’avenir de nos enfants en crépuscules érubescents.

Les poètes et les photographes aiment les crépuscules. Nos descendants les apprécieront beaucoup moins…

Les mystères de l’ipséité

Se retrouver en soi... et dans les autres !

Nous illustrons cet article consacré à l’ipséité en privilégiant un regard non humain : un tarsier malgache dans le cas présent.

Ce choix peut surprendre, mais nous le revendiquons…

La langue française est riche : plus de 50 000 mots. On peut naturellement regretter que les trois quarts d’entre eux soient devenus obsolètes, ou purement et simplement négligés.

Cela n’empêche nullement la Terre de tourner, mais cette sclérose du langage est une défaite.

Une de plus.

Dans le cas spécifique de l’ipséité, il est évident que ce terme ne fait jamais la Une des journaux télévisés ou des blogs. Ce n’est pas dramatique en soi. Mais, comme nous allons le voir immédiatement, cette notion est pourtant essentielle et prégnante.

Ipséité vient du latin ipso qui signifie « la chose en elle-même ». Allons un peu plus loin…

La définition usuellement admise est : le pouvoir d’un sujet pensant de se représenter lui-même comme demeurant le même malgré tous les changements physiques et psychologiques qui peuvent advenir à sa personne au cours de son existence.

En lisant cette définition on a un désagréable sentiment de « déjà vu ». On peut légitimement se demander quel est l’intérêt de se poser une pareille question, car il paraît très évident que l’on a toujours conscience d’être soi-même !

Evident ? Peut-être.

Mais…

Lorsqu’un choc affectif violent nous est asséné par la vie, est-on toujours la même personne ?

Lorsque l’on subit dans son âme et dans sa chair des tourments insoutenables, est-on toujours le même ?

Lorsque l’on décide de changer radicalement de vie, est-on toujours le même ?

Lorsque l’on est partiellement frappé d’amnésie (suite à un accident par exemple), est-on toujours le même ?

Ce questionnement pose immédiatement l’intrigante interrogation relative à notre propre identité.

Ce mot désigne en fait deux réalités a priori opposées : le propre et le semblable. Or les deux catégories du propre et du semblable sont inséparables l’une de l’autre.

Etablir l’identité d’un être, quel qu’il soit, c’est découvrir en quoi il demeure semblable à lui-même à travers les aléas du temps qui, chacun le sait intuitivement, est un facteur de dissemblance et de dissolution des êtres.

Or rien ne résiste au temps. Seule l’ipséité constitue un rempart fragile, mais efficace, à cette lente dissolution de l’être.

Heureusement pour nous…

Dans un livre remarquable : « Soi-même comme un autre », le philosophe Paul Ricoeur a mis en lumière un « invariant relationnel » permettant d’enraciner l’idée d’une continuité ininterrompue de la personne, ce qui est par ailleurs réellement souhaitable pour notre équilibre mental !

Il s’efforce de définir un « qui » irréductible à tous les « quoi », c’est-à-dire une sorte de permanence dans le temps.

Dans cette définition -certes un peu ardue- la définition de l’ipséité passe par la relation à autrui.

Et c’est pour cette raison que nous sommes tous les deux en quête permanente d’altérité, à travers nos romans comme à travers nos vies. Car c’est l’autre qui nous enrichit et nous apprend qui nous sommes.

La réflexion solitaire est sans espoir… une sorte d’onanisme intellectuel et psychique qui conduit au rapetissement sur soi. Voire à la haine de l’autre.

Une bien triste fin…

La découverte de notre propre identité et de l’ipséité qui nous soutient lorsque la vie éparpille nos espérances, constitue donc un instant capital dans l’existence d’un être. En effet, antérieurement au sujet qui se forme lui-même, la personne est cet être qui découvre ses possibilités les plus intimes à partir de sa vie dans le monde.

L’être se retrouve alors en lui-même et de nombreuses contradictions s’estompent.

L’ipséité est donc un ciment fondamental qui nous relie à nous-même et aux autres. Conscient de cette opportunité, optimisons farouchement cette fantastique « capacité cachée » afin de nous retrouver tout en vivant pleinement, et sereinement, au sein d’un monde de plus en plus hostile. Un monde qui s’aveugle et déréalise l’avenir ; c’est par ailleurs le thème central de notre nouveau roman : « Katharsis ».

Cette démarche -que nous nommons « vision holistique du monde, des autres et de nous-mêmes » dans notre thriller- est difficile, mais pas impossible.

Celà vaut vraiment la peine d’essayer, alors que ce profilent devant nous des Apocalypses climatiques, humaines et sociales, sans équivalent dans l’Histoire de l’humanité…

La Terre « boule de neige », il y a… 700 millions d’années !

Notre planète se recouvrant progressivement de glaces sur toute sa surface il y a 700 millions d'années...

Depuis quelques années, la communauté scientifique internationale évoque l’accroissement du réchauffement climatique qui affecte notre planète depuis que l’Homme a décidé de produire en très grandes quantités des gaz à effet de serre (gaz carbonique et méthane par exemple).

On évoque des hausses de la température moyenne qui pourraient atteindre 5 à 8° en un siècle.

C’est colossal et cela fait légitimement peur.

Il faut savoir, toutefois, que le climat de la Terre a varié dans des proportions beaucoup plus importantes lorsque l’on se propulse dans la préhistoire de l’astre qui nous accueille et nous nourrit.

La seule différence -de taille il est vrai- c’est que nous serons 9 milliards d’êtres humains dans une quarantaine d’années. 9 milliards de bouches avides à nous partager, de moins en moins équitablement, des ressources en chute libre.

Le vrai problème est là…

Il y a quelques millions d’années, le climat de notre planète a parfois été sensiblement plus chaud et le niveau des océans était donc plus élevé qu’actuellement. Ce fut principalement le cas au Crétacé, au Permien et au Dévonien. A l’inverse, il a souvent été infiniment plus glacial que tout ce que l’on peut imaginer.

L’épisode le plus radical de ce refroidissement hyperboréen est très ancien. Les scientifiques définissent cette période à travers une expression imagée : la Terre « boule de neige ».

On ne peut guère être plus clair…

Nous allons aujourd’hui plonger dans les abysses du temps afin de découvrir une étrange planète pétrifiée : la Terre « boule de neige ». Il y a 700 millions d’années…

Une précision s’impose avant de commencer.

La tectonique des plaques le confirme parfaitement : les continents terrestres ne sont ni immuables, ni figés. Depuis que notre Terre s’est suffisamment refroidit et qu’une mince croûte (moins de 10 kilomètres parfois au fond des océans !) recouvre le magma qui gît en son centre, les continents glissent sur ce globe en incandescence permanente.

Parfois ces continents sont relativement dispersés, comme c’est le cas actuellement. Parfois ils sont étroitement regroupés en un ou deux gros blocs que l’on appelle alors supercontinent.

Il y a 800 millions d’années c’était exactement le cas. Toutes les terres émergées étaient réunies de part et d’autre de l’équateur en un seul supercontinent auquel les géologues ont donné le nom de « Rodinia ».

L’ère géologique qui nous concerne ici s’appelle « Néoprotérozoïque ». Devant l’élégance monstrueuse et quasiment incompréhensible de ce nom, on se demande encore pour quelle raison les as du marketing en cosmétologie ne l’ont pas immédiatement adopté pour une crème anti-rides…

La partie centrale de cette période, qui s’étale quand même sur 450 millions d’années, correspond à un long épisode glacial nommé « glaciation Varanger ».

Pendant cette période, le supercontinent Rodinia commence à se fragmenter tout en restant positionné le long de l’équateur. Cette intense activité géologique (volcans en éruption, pluies diluviennes, formation de bras de mer) accélère la dissolution des roches continentales jusqu’à présent regroupées ensemble.

Lié à une baisse du taux de gaz carbonique atmosphérique, l’ensemble de ces phénomènes entraîne une première baisse de la température moyenne de 7 à 8°.

Avec l’apparition de calottes glaciaires importantes, le taux de gaz carbonique atmosphérique décroît encore. Après l’atteinte d’un seuil critique irréversible, l’instabilité en découlant aurait provoqué une impressionnante dégringolade des températures : -50° !!!

Dans ces conditions extrêmes, les glaciers se seraient étendus jusqu’à l’équateur et tous les océans auraient été gelés sur plusieurs centaines de mètres de profondeur.

Un monde constellé d’icebergs tabulaires géants et dont toutes les terres émergées seraient caparaçonnées de glace.

Le Paradis…

Evidemment, toutes les formes de vie existant à cette lointaine époque (principalement des eucaryotes multicellulaires) ne survécurent qu’au fond des océans. Mais ce choc climatique et la disparition presque totale de toutes les formes de vie eurent un effet salutaire par la suite.

Quelques dizaines de millions d’années plus tard (quand même…) on assista à une totale émergence de la Vie à travers ce que l’on nomme parfois « l’explosion du Cambrien » qui vit apparaître la faune d’Ediacara, puis la faune de Burgess.

Nos premiers et très lointains ancêtres !

Il peut paraître étrange d’évoquer une terrifiante et très longue chute des températures au Néoprotérozoïque (on ne se lasse pas…), c’est-à-dire il y a 700 millions d’années, alors que tout les scientifiques confirment le réchauffement climatique actuel.

Et pourtant…

La remémoration de cette lointaine époque qui vit notre planète se cristalliser totalement sous une épaisse couche de glace nous apporte un triple éclairage :

–          les variations climatiques sont continuelles depuis 4 milliards d’années et les causes sont extrêmement variées, même si les principales sources de ces variations sont essentiellement astronomiques et volcaniques,

–          cette titanesque glaciation qui métamorphosa notre planète en une gigantesque « boule de glace » eut une conséquence très positive : l’apparition progressive de formes de vie sophistiquées qui évoluèrent sans cesse depuis (nous vous recommandons le livre de Stephen Jay Gould intitulé La vie est belle, qui résume parfaitement l’ahurissante luxuriance de cette « explosion du Cambrien »),

–          mais elle nous confirme aussi, hélas, que lorsque la machine climatique commence à s’emballer, personne ne peut l’arrêter…

Une leçon à méditer rapidement.

Très rapidement…

Chronique de « Cathédrales de brume » sur Psychovision.net

Des mondes oniriques...

Voilà le texte intégral de la chronique de « Cathédrales de brume » que le site www.psychovision.net vient de mettre en ligne :

L’espace. Que connaissons-nous de l’espace?

Cet infiniment grand au dessus de nos têtes. Si grand que l’on a du mal à le voir, à le penser dans son entier.

Dans cet infiniment grand, une capsule spatiale à la dérive. A l’intérieur un homme seul, ou presque. Un homme qui porte le nom de Amaranth Heliakthor, pétrifié dans son sarcophage et condamné à vivre dans cette quasi solitude. Quasi solitude oui car à ces côtés une sentinelle électronique veille, une sentinelle programmée pour vivre quelques plus de mille ans. C’est peu, trop peu quand on sait qu’Heliakthor, par le biais de substances étranges, est condamné à vivre une éternité. Et il faut bien l’avouer une éternité sans mouvement, dans le silence de l’espace, c’est long, très long…

Cathédrales de Brume est le premier roman, d’Oksana et Gil et il nous plonge dans un univers absolument fantastique. Au vu de ce que je disais en introduction, vous aurez compris que le principal enjeu de ce roman, c’est le temps ! Ce temps qui passe, ce temps que l’on ressent, ce temps réel, historique.

Il va m’être difficile de vous résumer ce livre qui a été pour moi, qui lit peu de Science-fiction, une véritable révélation et qui m’a complètement réconcilié avec le genre.

Difficile à résumer tout d’abord car il n’y a pas d’histoire au sens où on l’entend habituellement. Non pas qu’il ne s’y passe rien, au contraire, mais on est loin des batailles intergalactiques, des complots entre extraterrestres et humains (genre de trucs que j’adore !). Non, on est ici dans une sorte de huis-clos, une sorte de long monologue qui nous fait éprouver le temps et l’espace !

Alors bien sur Heliakthor va rencontrer des extraterrestres, croyant un moment pouvoir combler sa solitude. Mais non, la réalité du roman est tout autre.

Quant il rencontre ses autres habitants de l’espace extragalactique, il est encore plus déstabilisé, en effet dans l’espace tout n’est pas en quatre dimensions ! Et voilà les auteurs qui nous expliquent comment on peut appréhender et vivre avec 10 dimensions ou plus…

Alors bien sûr dit comme ça, ça fait un peu Hard-Science ! C’est vrai, difficile de le nier, certains passages sont plutôt de cette trempe, sans doute du au fait qu’Oksana a poursuivi des études supérieures de mathématique, mais c’est aussi admirablement bien expliqué, passionnant et surtout d’une poésie folle !

Oui, Cathédrales de Brume n’est pas un roman de SF comme on pourrait s’y attendre, non, il s’agit avant tout d’un grand poème fantastique, sublime, magnifique soutenu par un style excellent, même si parfois on aurait voulu quand même un peu plus de légèreté ! Il m’aura quand même fallu trois longs mois pour venir à bout de ce magnifique poème mais il est clair aussi qu’il m’a fait l’effet d’un coup de poing en pleine tronche, on le prend vraiment en plein tête !

Donc, vous l’aurez compris il y a la notion de temps et de solitude qui est en jeux ! Mais pas uniquement, car Oksana et Gil vont bien plus loin, en nous proposant un voyage qui n’a pas de limite ni sur le fond, ni sur la forme d’ailleurs (je tiens encore ici à souligner la qualité d’écriture des deux auteurs!).

Le voyage est partout, à chaque page, à chaque ligne c’est une nouvelle découverte ! Car bientôt Heliakthor va trouver un moyen d’échapper à cette chape de plomb qu’est cette capsule, il va trouver un moyen d’échapper à cette solitude et il va faire un voyage intérieur surprenant, il va construire des cathédrales de brume ! Voilà un concept absolument sidérant crée donc par Oksana et Gil, une sorte de porte à l’intérieur de soi, à l’intérieur d’Heliakthor qui lui permet de créer, de façonner des mondes et d’en garder plus ou moins le contact. Comme si d’un coup l’imagination prenait le contrôle, comme si d’un coup l’imagination sauvait du désespoir, comme s’il était possible de vivre et de faire vivre à l’intérieur de soi !

Le concept est hallucinant et surtout permet tout un tas de folies, de créations qui vont habiter les pages de ce roman qui chez moi fera date ! Cathédrales de Brume, à partir du moment où est introduit ce concept prend un tout autre éclairage, entre SF et poésie surréaliste, entre philosophie et aventures extraordinaires, entre jeux d’optique qui ont de quoi vous perdre et pensée profonde sur soi, la raison, l’âme, l’espace et le temps !

Des concepts fous qui vous mettent les neurones en ébullition et qui vous promènent dans des mondes superbes.

Dans ces Cathédrales de Brume, dans ces moments ou Heliakthor rompt avec la solitude, il convoque des personnages comme le philosophe Héraclite, philosophe du temps s’il en est, Jim Morrison pour un court instant d’anthologie, des peintres, des artistes, certains amis qu’il rencontre au hasard, réels ou pas. Il en découle des conversations passionnantes sur divers sujets aussi divers et variés que le temps encore, l’espace toujours, mais aussi l’art, l’amour, soi, l’autre etc.

Et c’est ainsi que lentement ce déroule ce roman atypique, particulier et, passez-moi l’expression mais c’est elle qui résume encore mieux ce que j’ai ressentis : on en prend plein la gueule ! On ressort de cette lecture éreinté (bah oui ce n’est pas Star Wars !), entièrement chamboulé et avec plein de questions en tête, avec une nouvelle vision sur ce qui nous entoure, avec des doutes et des larmes aux yeux aussi tant il y a de beauté dans ce livre !

Très philosophique certes, parfois même on aurait préféré plus court, écrit peut-être plus simplement, car il faut l’admettre, c’est du lourd, c’est du gros, c’est parfois contraignant à lire mais c’est un voyage, que dis-je, c’est un trip à faire, un truc à essayer au moins une fois dans sa vie !

Le tout en plus peut être accompagné de musique, puisque Cathédrales de Brume est un projet vaste, très vaste, dans tous les sens du terme, et un musicien s’est ajouté à ce duo pour composer des sons qui vont sur ce fascinant délire de poésie science-fictive ! Grandiose !

Alors bien sûr, comme je le disais précédemment, le roman n’est pas exempt de défauts (il s’agit quand même d’un premier roman !) et peut-être est-il trop érudit parfois, remplit de citations littéraires, philosophiques mais aussi picturales et c’est vrai que cela peut faire beaucoup, décourager même parfois. Cathédrales de Brume ne se lit pas d’une traite, c’est une évidence et il demande un investissement important de la part du lecteur, mais encore une fois, bien plus qu’un roman, c’est une expérience !

Pour être tout à fait franc il m’est impossible de vous dire tout ce qui se trouve de beau et de fabuleux dans ce roman. Ce n’est pas une histoire qui se raconte, c’est quelque chose qui se vit.

Alors bien sûr certaines mauvaises langues diront que j’en fait peut-être un peu trop…

Et bien tant pis !

Oui, c’est dur de lire Cathédrales de Brume, surtout si vous n’êtes pas un gros lecteur de SF comme moi, mais oui c’est bon aussi ! Tout est touchant dans ce roman étrange, le style, les idées et vous le prenez vraiment en pleine poire !

Ca vous décolle les méninges et de temps à autre ça fait du bien!

Rivière Blanche à fait ici un choix tout à fait audacieux en publiant ces deux auteurs atypiques, en se foutant complètement du qu’en dira-t-on, en osant faire une démarche qui sort des sentiers battus et en nous proposant une œuvre audacieuse et forte qui bien évidemment ne pourra pas plaire à tout le monde mais qui m’a pour ma part remis à ma place !

Ces auteurs m’ont réconcilié avec la SF, en écrivant leur œuvre loin des débats stériles, avec leur truc à eux et ça c’est bon ! Bravo, ou plutôt, merci à Oksana, merci à Gil Prou et merci à Philipe Ward pour ce magnifique voyage !

Note : 8/10

Le Cimmerien

Lien : http://www.psychovision.net/livres/critiques/fiche/671-cathedrales-de-brume

L’ombre du xiphodyme

Hippocampe-fleur vivant au large de l'Australie

La tératologie est une discipline scientifique qui devrait vraiment fasciner les gothiques…

Pour aller à l’essentiel, la tératologie étudie les monstruosités organiques. Présenté ainsi, l’ensemble est loin d’être glamour.

Toutefois, ces études révèlent des phénomènes surprenant dont l’évocation se situe parfois bien au-delà de la simple apparence.

Comme nous le répétons souvent à la suite de René Char : « le visible n’est que l’épiphanie de l’invisible ». Ce constat se situe même au cœur de nos romans.

Or, avec les « monstruosités » méticuleusement décrites par la tératologie, le champ d’investigation est immense. C’est en fait le champ de tous les possibles, même les plus ahurissants, les plus effrayants ; les plus déstabilisants.

L’invisible rebondit et résonne ainsi en nous.

Cet écho nous conduit à prolonger une investigation qui oscille sans cesse entre soi et les autres. Ce mouvement de balancier donne parfois le vertige -ou la nausée- mais il est indispensable à une vision réellement holistique du monde, des autres et de soi-même.

Parmi les « monstruosités » naturelles décrites par la tératologie, nous avons retenu une singularité effarante : les xiphodymes.

Afin d’en savoir un peu sur ces êtres qui sont deux en un, il faut ouvrir un dictionnaire sérieux.

Nous avons choisi l’Encyclopédie Universelle du XXe siècle. Dans le tome XII (paru en 1908) nous trouvons la définition suivante : « xiphodyme (vient de deux mots grecs signifiant « épée » et « jumeau ») – terme de tératologie définissant un être formé de deux corps bien séparé dans la partie supérieure du thorax, mais réunis à partir de ce point pour ne faire qu’un seul être ».

Deux êtres irrémédiablement condamnés à n’en former qu’un seul.

Jusqu’à leur mort…

Celles et ceux qui liront « Cathédrales de brume » comprendront aisément pour quelles raisons ces malheureux xiphodymes nous fascinent et nous interpellent.

Aussi ahurissant que cela puisse paraître, certains xiphodymes n’achevèrent point leur douloureuse existence dans un bocal géant, noyés dans le formol.

Le (ou doit-on dire « les ») plus célèbre xiphodyme vécu… 63 ans !

Il s’agit des frères Tocci.

Leur déroutante destinée fut romancée par Marie-Eve Sténuit dans un récit intitulé « Les frères Y » paru aux Editions Le Castor Astral.

Nous citons intégralement ici le commentaire de l’éditeur car il résume assez bien cette affolante problématique : être inextricablement et durablement « deux en un »…

Présentation du roman par l’éditeur en 4eme de couverture : « En haut : deux têtes, quatre bras, quatre poumons et deux cœurs. En bas : un nombril, un pénis, deux testicules, deux jambes et trois fesses. Un inventaire à la Prévert pour un corps facétieux. Celui d’un ypsiloïde (un xiphodyme).

Celui des frères Y.

Librement inspiré d’une histoire vraie, ce roman à l’humour généreux raconte la vie peu ordinaire de frères siamois nés dans le nord de l’Italie en 1877. Giuliano et Gian-Giuseppe ont partagé le même corps en forme de Y durant toute leur existence. Vingt années d’exhibitions dans les foires dont on sait presque tout. Quarante années de retraite et d’amour dont on ne sait presque rien. Comme dans le film Freaks de Tod Browning (1932), Marie-Eve Sténuit, malgré la grande précision des descriptions, évite tous les pièges du voyeurisme.

Elle nous rappelle que l’humain, si  » monstrueux  » soit-il en apparence, n’est pas seulement l’image que l’on a de lui ».

L’humain n’est pas seulement l’image que l’on a de lui… Cette phrase devrait être gravée en lettres d’or aux frontons de tous les édifices !

Petite précision bizarre et spécifique à la tératologie : les xiphodymes font partie des ypsiloïdes (d’où le titre : les frères Y), qui eux-mêmes font partie des tératodymes.

Voilà ! Les amateurs de Scrabble seront enchantés.

Pour en finir avec l’existence étrange et chaotique de notre xiphodyme italien, précisons que ces deux êtres qui fossilisèrent leur vie au sein d’un même corps, se marièrent. Avec deux sœurs !

La saugrenuité de la situation n’échappera à personne. Et pourtant, ils vécurent de longues années avec ces deux femmes.

L’étrange « double » mariage fut validé en Italie ; patrie du pape et de l’Eglise…

Nous éviterons tout commentaire déplacé relatif à la vie amoureuse de cet être bicéphale et de ses deux épouses. Ce qui nous intéresse ici, c’est la démonstration -presque affolante dans le cas extrême des xiphodymes- de la précellence de la vie, même lorsqu’elle s’affuble d’atours étranges, voire transgressifs.

Dans « Cathédrales de brume » nous exaltons ce que nous nommons parfois les « transgressions positives ». Notre héros et la sentinelle électronique qui l’accompagne évoquent souvent cette nécessité viscéralement ancrée au cœur de celles et ceux qui ne se satisfont pas de la lie du quotidien.

Celles et ceux qui souhaitent exploiter un peu plus des 10% de nos capacités émotionnelles et psychiques qui constituent la trame ordinaire de nos vies.

Que dire face à un xiphodyme ?

Une fois passée la compassion, une fois endiguée une première et hideuse volonté de rejet (ou d’oubli), nous devons absolument établir une réelle connivence avec ces êtres qui sont continûment confrontés à l’impensable : vivre à deux dans un seul corps.

On parle fréquemment d’altérité, de quête d’altérité, de respect de l’autre, d’humanisme, de tolérance…

Chacun sait parfaitement que, dans la vie courante en tout cas, tout ceci n’est qu’un ramassis de mots que l’on égrène régulièrement afin de se donner bonne conscience.

La triste réalité est bien différente de ces grandes envolées mystiques : l’ « autre » est généralement considéré comme un obstacle, alors qu’il devrait symboliser pour chacun d’entre nous une solution.

LA solution.

Dans « Cathédrales de brume », nous amplifions cette « quête de l’autre » jusqu’à la démesure et l’exubérance. Mais, comme le dit parfaitement William Blake : « L’exubérance est beauté » (Le mariage du Ciel et de l’Enfer).

Condamné à errer entre les galaxies et les arcanes de sa propre psyché, notre héros est avide de beauté.

On retrouve cette même beauté tenace, insistante, presque obsédante, chez les xiphodymes. Ces êtres crucifiés par une gémellarité folle ne sont pas des monstres. Ils symbolisent, bien au contraire, la quintessence de l’autre.

Sa facette, certes extravagante, mais ô combien lourde de sens.

Lorsque les humains pourront regarder les xiphodymes, sans ciller, sans détourner le regard ; ou sans se moquer, nous aurons accompli une « révolution intérieure » exceptionnelle, bénéfique et porteuse de sens.

L’ombre du xiphodyme plane toujours au-dessus de nous.

Saurons-nous en décrypter la souffrance muette et l’indicible besoin d’amour qu’elle recèle ?

La Vénus à la fourrure et les infortunes de la vertu

Le Diable est dans les détails... mais lesquels ?

« Essayant de donner, on voit qu’on n’a rien, Voyant qu’on n’a rien, on essaye de donner, Essayant de donner, on voit qu’on n’est rien, Voyant qu’on n’est rien, on désire devenir, Désirant devenir, on vit »

René Daumal – Le Mont Analogue

Rédigés respectivement en 1870 et en 1787, « La Venus à la fourrure » de Sader Masoch et « Les infortunes de la vertu » du Marquis de Sade symbolisent parfaitement deux ouvrages que l’on qualifia souvent de « sulfureux ».

La Venus à la fourrure sanctifie la soumission poussée jusqu’à l’extravagance. « Confessions d’un suprasensuel » constitue un roman dans le roman qui raconte comment un homme (Séverin) devient volontairement l’esclave d’une femme (Wanda von Dunajew) lors de jeux érotiques débridés.

Les infortunes de la vertu a été écrit à la prison de la Bastille deux ans avant 1789. Destiné au début à faire partie des « Contes et fabliaux du XVIIIe siècle », ce récit se développa et quitta le format de la nouvelle pour devenir progressivement un roman. Deux autres versions s’étoffèrent encore et devinrent « Justine ou les malheurs de la vertu » quatre ans plus tard.

Prémices des ouvrages les plus licencieux du « divin marquis », ce roman ouvrit la Boite de Pandore de tous les fantasmes…

Ces deux ouvrages font donc ostensiblement référence à des auteurs qui -apparemment- sont assez peu fréquentables et qui ont généré par leurs outrances verbales les mots « sadisme » et « masochisme ».

De tristes sires semble-t-il. Mais…

Comme nous l’avons déjà mis en lumière dans un article de notre skyblog intitulé « Le Marquis de Sade était-il un humaniste ? », il ne faut pas se fier aux apparences. En effet, Sade démontra dans plusieurs écrits qu’il structurait son œuvre dans la veine d’un moraliste confronté à la logique carcérale. Par ailleurs, ses prises de position hostiles à la peine de mort (ce n’était pas vraiment d’actualité juste après 1789 !) filigranent une personnalité qui va bien au-delà du libertin débauché et jouisseur.

Pour les êtres humains, la carte n’est pas le territoire

L’exemple de ces deux romanciers « sulfureux » doit réellement nous dessiller et nous conduire à porter un regard différent sur la vie et sur les êtres.

Cette vision holistique et désinhibée du monde, des autres et de nous-même, est au centre de nos romans. Et c’est pour cette raison que nous écrivons de la science-fiction car nous pouvons bousculer ainsi tous les champs du possible.

Pour faire simple, nous pouvons résumer cette approche en l’apparentant au « paradigme de l’iceberg ».

Lorsqu’un iceberg dérive dans les océans arctique ou antarctique, nous ne voyons que 10% de son volume global.

Lorsque les astronomes contemplent notre univers, ils observent moins de 5% de sa masse totale.

Lorsque nous vivons pendant des années avec un être que l’on aime et avec lequel on partage tout, on ne connaît que 5 ou 10% de l’être intime qui gît en lui.

Comme le dit lapidairement René Char : « le visible n’est que l’épiphanie de l’invisible ».

Si l’on veut en savoir plus sur la Nature, les humains et nous-même, il faut donc bousculer le carcan des apparences et gratter le glacis des vérités premières sempiternellement ressassées.

Internet et les réseaux sociaux démontrent éloquemment cette impuissance à « hausser le réel d’un ton » comme le suggérait Bachelard (L’air et les songes). Une mosaïque presque infinie de redites et d’analyses prédigérées borne notre horizon. Et ceci gangrène nos espérances tout en émasculant nos potentialités réelles.

Il faut s’inspirer de Giordano Bruno et transgresser. Transgresser sans cesse. Naturellement, cette transgression doit être positive et se matérialiser à travers des approches et des comportements qui privilégient association et complémentarité.

Ce n’est pas gagné…

Par le biais de nos deux premiers romans nous prônons ouvertement cette vision holistique du monde et la mettons en perspective à travers une quête d’altérité sans entrave.

Dans « Cathédrales de brume » cette quête confine même à la démesure, mais nous revendiquons pleinement ce choix. On peut en effet apprendre beaucoup sur soi en noyant son regard dans celui d’un animal ou en s’immergeant au cœur d’une forêt profonde tout en écoutant les silences de la Terre.

L’Homme n’est pas la mesure ultime de l’univers, il n’en est qu’une didascalie griffonnée aux lisières d’une planète qui souffre.

Si nous souhaitons reprendre contact avec l’invisible et cesser de nous noyer dans les fastes trompeurs du visible, il faut « ouvrir ses sens ». La sensualité prend ici un sens congru car elle situe nos perceptions et notre moi intime à la frontière entre deux mondes. Un orgasme torride ou une émotion artistique sont du même ordre, car ils se prolongent bien au-delà de notre modeste enveloppe corporelle. La sensualité est, par ailleurs, la fille naturelle de l’émotion…

Lorsque l’on a pris goût à ces étranges connivences entre deux mondes qui s’ignorent trop souvent, on repense à René Char.

Et on le remercie.

Merleau-Ponty alla plus loin en précisant : « Quand la vision métamorphose les structures du monde visible et se fait regard de l’esprit, c’est toujours en vertu du phénomène fondamental de réversibilité qui se manifeste par une existence presque charnelle de l’idée comme par une sublimation de la chaire » (Le visible et l’invisible).

Nous acquiesçons totalement…

Une vision qui métamorphose le monde sensible et se fait regard de l’esprit manque cruellement à notre époque.

Sader Masoch et le Marquis de Sade développèrent une prose outrancière et souvent blasphématoire, mais nous leur accordons ici le privilège de la réversibilité.

Un privilège que nous devrions accorder à chaque être humain. L’invisible pourrait probablement à cet instant déployer ses fastes tout en émerveillant la lie du quotidien.

Pour cela il suffit simplement de changer de perspective et d’appréhender le monde et l’humain d’une manière un peu différente.

Au XVIIe siècle, Angelus Silesius précisait : « Si tu perds la vue à force de regarder le soleil, la faute est dans tes yeux, non dans sa grande lumière » (Le pèlerin chérubinique).

L’heure est probablement venue pour l’Homme de se déclore…

Black hole

Deux étoiles colossales qui se métamorphoseront -dans quelques millions d'années- en "trous noirs"...

« En cherchant l’œil de Dieu, je n’ai vu qu’un orbite

Vaste, noir et sans fond, d’où la nuit qui l’habite

Rayonne sur le monde, et s’épaissit toujours.

Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,

Seuil de l’ancien chaos dont le néant est l’ombre,

Spirale engloutissant les Mondes et les Jours ! »

Gérard de Nerval – Les Chimères

 

Spirale engloutissant les Mondes et les Jours…

Lorsque les humains ne savent plus décrire l’indescriptible, seuls les poètes y parviennent. Parfois…

Les trous noirs constituent probablement les objets les plus extraordinaires de tout l’Univers. Ils sont simples, beaux ; fascinants.

Ils sont terrifiants aussi.

Pour résumer en une phrase, un trou noir est une région de l’espace-temps à l’intérieur de laquelle la gravitation est si forte qu’elle empêche toute matière et tout rayonnement de s’échapper. En fait, ces gouffres gravitationnels sont si denses que même la lumière ne peut plus s’en échapper…

Nés de l’explosion cataclysmique d’une étoile géante (ce que l’on appelle une supernova), ils sont les résidus du cœur même du colosse défunt. Les forces atomiques ne pouvant plus endiguer les forces gravitationnelles, les atomes de l’étoile s’effondrent en son centre et forment une singularité quantique de masse presque infinie et de volume presque nul.

Au cœur d’un trou noir, la totalité de notre planète tiendrait dans un téléphone portable…

Les trous noirs sont de tailles variées -certains cannibalisent le centre des galaxies alors que d’autres sont microscopiques- et les conséquences de leur formidable pouvoir d’attraction varient considérablement. Nous n’en ferons donc pas ici un descriptif complet, le livre que nous citons en référence à la fin de cet article comblera aisément votre curiosité.

Mais il faut quand même citer ici une singularité particulièrement extraordinaire, singularité que nous exploitons par ailleurs dans notre premier roman : « Cathédrales de brume ».

Un trou noir ayant une densité colossale, celle-ci finit par distendre les mailles de l’espace-temps. En clair, cela signifie que la matière et l’énergie emprisonnées au cœur de l’ogre cosmique finissent par… quitter notre Univers !

A cet instant de nos réflexions, nous entrons naturellement dans le domaine des hypothèses et supputations. Certains théoriciens pensent que cette matière resurgit ailleurs en formant un « trou blanc ». D’autres pensent qu’elle quitte réellement notre Univers afin de se fondre en un ailleurs à jamais indécelable pour nous.

Hormis par la pensée.

Quel que soit notre sentiment profond, les trous noirs et leurs ahurissantes particularités nous situent exactement là où nous souhaitons déambuler : à la lisière du visible et de l’invisible. Au centre de cette fragile frontière qui unit le dicible et l’indicible. Un monde qui réunit enfin le scientifique et le poète, l’ingénieur et le chaman, le Yin et le Yang.

L’ombre et la lumière.

Notre reflet en fait.

Nous sommes tous sœurs et frères des trous noirs géants qui dévorent le cœur de toutes les galaxies. Et ce constat nous pétrifie et nous excite à la fois.

Afin d’en savoir plus, nous recommandons la lecture de : Le destin de l’univers : trous noirs et énergie sombre de notre ami Jean-Pierre Luminet (Fayard) http://livre.fnac.com/a1861029/Jean-Pierre-Luminet-Le-destin-de-l-univers?Mn=-1&Ra=-1&To=0&from=1&Nu=1&Fr=0

Avec sa rigueur scientifique et sa verve poétique, Jean-Pierre décrit très clairement des phénomènes complexes et affolants. Un talent rare.

Il dédie enfin son livre à celles et ceux pour qui chaque réponse est une nouvelle question.

Dans nos romans, comme dans nos vies, nous nous situons exactement dans la même logique…