Atmosphère – océans : une harmonie fragile. Si fragile…

Le réchauffement climatique -et surtout ses conséquences environnementales et humaines- est au cœur de l’intrigue de notre prochain roman, « Katharsis », qui paraîtra en Mars aux Editions Interkeltia.
Thriller écologique du futur se déroulant sur fond d’Apocalypse, « Katharsis » pousse jusqu’à son paroxysme la logique qui est la nôtre depuis une quarantaine d’années et que l’échec du Sommet de Copenhague vient de valider définitivement : nous déréalisons totalement l’avenir…
Et tant pis pour nos descendants !
Or l’enjeu est de taille : comment infléchir (si cela est encore possible) le caractère apparemment irréversible du réchauffement climatique que nous avons bien imprudemment enclenché il y a quelques décennies ?
Nous n’évoquerons pas ici les éléments qui architecturent l’intrigue de « Katharsis », mais nous allons succinctement résumer les deux phénomènes majeurs qui orchestrent le climat de la Terre.
Si l’équilibre est maintenu, tout va bien. Mais si ce fragile équilibre se rompt… tout bascule !
Et pour plusieurs milliers d’années…
Le climat terrestre possède donc deux moteurs.
Deux cœurs pourrait-on dire…
Les deux sont passablement indépendants entre eux, mais de leur confluence naît tout ce qui nous permet de vivre. Et c’est pour cette raison que toute action majeure visant à contrecarrer ces deux moteurs symbolise une erreur tragique ; pire : un crime contre l’humanité ; et contre la Nature !
Ces deux moteurs sont :
– la circulation atmosphérique,
– la circulation océanique.
Pour faire court, la circulation atmosphérique est symbolisée par l’ensemble des mouvements de la couche d’air qui entoure notre planète. Cette atmosphère redistribue la chaleur provenant du soleil et travaille en synergie avec la circulation océanique.
L’axe de la Terre ayant une inclinaison de 23 degrés par rapport à l’orbite de notre planète autour du soleil, la radiation solaire oscille entre un maximum se situant dans les régions faisant directement face au soleil (les zones équatoriales) et un minimum pour celles qui sont les plus inclinées par rapport à notre astre tutélaire (les zones polaires).
Les radiations renvoyées par le sol étant naturellement très différentes d’une région à l’autre, un réchauffement différentiel s’en suit. La circulation atmosphérique a pour fonction d’équilibrer plus ou moins ces écarts qui, sans cela, deviendraient trop exagérés et seraient hostiles à la vie dans les zones équatoriales et dans les zones polaires.
Même si les dépressions des latitudes intermédiaires et les cyclones tropicaux sont souvent imprévisibles, le principe de fonctionnement de la circulation atmosphérique est simple et constant.
Heureusement pour nous.
La circulation atmosphérique s’organise en trois grandes zones de circulation des vents que l’on nomme généralement « cellules » :
– la première est la cellule de Hadley qui se situe entre l’équateur et 30 degrés de latitude Nord et Sud. Elle comporte des vents réguliers (les alizés) qui firent le bonheur des navigateurs à toutes les époques,
– la seconde est la cellule de Ferrel qui se situe entre 30 et 60 degrés. Elle privilégie les vents d’Ouest et se singularise par de nombreuses dépressions,
– la dernière est la cellule polaire qui se situe au nord et au sud du 60e parallèle.
Entre ces trois cellules, on trouve des « courant-jets » qui circulent souvent à 10 ou 15 kilomètres d’altitude.
Au sein de la cellule de Hadley l’air chaud monte au large de l’équateur, puis il se déplace en provoquant d’importantes pluies. Ces masses chaudes et humides sont repoussées vers les plus hautes latitudes où elles se refroidissent et redescendent vers le sol.
Chacune de ces cellules demeurant partiellement indépendantes, le climat constitue une horlogerie complexe et relativement instable.
Il est évident qu’en accroissant sans cesse nos émissions de gaz à effet de serre, nous affolons un peu plus encore un dérèglement climatique qui ne fera que croître.
Mais les vrais enjeux sont ailleurs.
En effet, si la circulation atmosphérique est la plus facile à dérégler, les conséquences de ce changement sont infiniment moins graves que celles qui découlent d’une modification -même mineure- de la circulation océanique.
Car dans ce cas les conséquences ne se mesurent plus en années… mais en siècles !
Plus discrète et impassible en apparence, la circulation océanique est vitale pour la survie de nos descendants.
Si la circulation atmosphérique et la circulation océanique contribuent chacune équitablement aux évolutions du climat à moyen terme, l’océan stocke mille fois plus d’énergie que l’atmosphère.
Parallèlement aux grands flux atmosphériques, la circulation océanique contribue donc à transférer les excédents de chaleur accumulés des latitudes équatoriales vers les océans arctique et antarctique cerclant les pôles.
Mais, à la grande différence des mouvements atmosphériques, les courants marins de surface se prolongent souvent sur quelques décennies.
Et les courants de profondeur sur plusieurs siècles…
Si l’on veut résumer d’une manière très synthétique : les courants de surface sont principalement animés par les vents, l’ensemble de ces mouvements étant influencé par la « force de Coriolis « qui est issue de la rotation de la Terre sur elle-même.
Les courants de profondeur sont quant à eux essentiellement le fruit des différences de salinité et de température existant dans les océans selon les latitudes.
Si l’on prend l’océan Atlantique pour exemple, on constate que les eaux des zones tropicales, chaudes et salées, remontent vers le nord via les courants de surface, c’est-à-dire le courant nord-atlantique et le célèbre Gulf Stream. Pendant leur remontée vers les contrées septentrionales, ces courants se refroidissent et les eaux de surface deviennent de plus en plus denses.
Arrivées près du Groenland, du Labrador, de l’Islande et des côtes de la Norvège, ces eaux sont si denses qu’elles plongent dans les abysses et réoxygènent les couches profondes de l’Atlantique nord.
Cette boucle alimente une masse d’eau profonde, North Atlantic Deep Water, qui transporte environ 20 millions de m3 à la seconde. On appelle ce colossal tapis roulant : circulation thermohaline. Gigantesque, ce courant abyssal parcourt tout l’océan Atlantique du nord au sud.
En arrivant en face de l’Antarctique il bifurque et se sépare en deux branches. L’une remonte l’océan Indien et resurgit en surface au sud de l’Inde, l’autre longe l’Antarctique avec un flux principal qui encercle le continent austral, alors que le second remonte dans l’océan Pacifique en se glissant entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
S’essoufflant enfin, il sillonne la Mélanésie et la Micronésie avant de réapparaître en surface au large du Japon.
Cette circulation thermohaline est un régulateur essentiel du climat et son cheminement est très lent car ce courant abyssal met plus de 500 ans pour parcourir l’océan Atlantique. Il faut rajouter encore un millénaire avant de parcourir les eaux ultramarines du Pacifique.
Le poète s’émeut à l’évocation de ces rythmes ancestraux. Et lorsque Saint-John Perse exalte notre imagination en précisant : « un soir ensemencé d’espèces lumineuses, la Mer totale m’environne. L’abîme m’est délice, et l’immersion, divine », nous ne pouvons qu’abonder dans son sens.
Mais, au-delà de sa symbolique et de ses mythes, l’océan est capricieux, ses colères houleuses, et son impact sur l’hydrosphère est déterminant. Et durable.
On devine à cet instant le sens réel de l’expression irréversibilité des conséquences climatiques.
Avec des facteurs temps dont l’unité de mesure n’est pas l’année, mais le millénaire, il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste mondialement connu pour imaginer les conséquences potentielles de ces dérèglements dont nous constituons l’un des facteurs aggravant.
Lorsque l’on aura inopportunément emballé le climat et que les deux types de circulations océaniques, les courants de surface et la circulation thermohaline, se seront affolés, toute action ultérieure sera parfaitement inutile.
Autant essayer d’arrêter un TGV avec un filet à papillon !
Et c’est à cet instant précis que notre roman commence…