Chronique de « Cathédrales de brume » sur le site mythologica.net

 

Un roman de science-fiction écrit par une star du porno français et un ancien directeur de la FNAC vient forcément titiller l’intérêt du lecteur que je suis, surtout quand une telle promo sur Facebook est faite. C’est donc avec un regard le plus neutre possible que j’ai commencé à lire Cathédrales de Brume.

Je pensais que le quatrième de couverture et l’illustration m’avaient donné une idée assez réaliste de ce que j’allais trouver dans ces pages. Eh bien je ne n’avais qu’à moitié raison… Je m’en vais de ce pas vous expliquer pourquoi.

Voici tout d’abord le quatrième de couverture pour vous mettre en bouche avant d’attaquer les choses sérieuses :

« Pétrifié au sein d’un sarcophage de cristal dérivant dans l’espace extragalactique, un naufragé est condamné à poursuivre une hallucinante odyssée pendant plusieurs millions d’années. Sans bouger. Et sans pouvoir mettre fin à ses jours…

Amaranth Heliaktor a pour seule compagne une sentinelle électronique qui l’aide à façonner les mondes virtuels qui lui servent d’exutoire. S’immergeant au sein d’un univers personnel qui se juxtapose à l’âpreté d’une réalité affolante, il émerveille ses sensations, son corps ; son âme. Au contact de la beauté absolue il fait des rencontres émouvantes, hallucinantes et sensuelles.

Puis il se damne avant d’accomplir l’ultime métamorphose.

Confronté à l’indicible, il se réfugie dans ces architectures oniriques qu’il nomme affectueusement… ses cathédrales de brume ! »

Voilà qui devrait vous mettre en jambe pour la suite. Enfin en jambes pas forcément. En effet l’action n’est pas l’élément primordial de ce roman qui tient bien souvent du contemplatif et de la philosophie. Est-ce pour autant un mal ?

Je répondrais non car cela change de ne pas avoir un roman de science-fiction où les vaisseaux se tirent dessus à tout bout de champ, où les guerres entre races sont légion… Nous avons ici affaire à une science-fiction beaucoup plus feutrée qui se place bien loin de la fureur du space opera.

Le véritable intérêt de ce roman se situe dans toute la poésie qui se dégage de l’écriture des deux auteurs. On sent réellement que l’éditeur s’est fait plaisir en publiant ce livre et cet enthousiasme en deviendrait presque communicatif. Le style d’écriture n’est toutefois pas dépourvu de lourdeurs qui font sentir le fait que Cathédrales de Brume est un premier roman. Parfois certaines phrases trop longues font perdre au lecteur le fil de la pensée et cela nuit par endroit à la cohérence de l’histoire dans l’esprit de l’auteur. De même l’ajout de notes de bas de page pour certains concepts un peu ardus n’aurait pas été du luxe.

Toutefois l’ensemble reste parfaitement cohérent et on se voit assez rapidement emporté dans ce long voyage interstellaire au fil des 490 pages du roman.

L’histoire en elle-même pourrait par moment servir presque uniquement de justification à de plus amples réflexions mais en réalité lorsque l’on progresse dans la lecture on rend compte que le scénario a également plus que son intérêt. Une ambiance feutrée, celle d’un petit vaisseau filant dans l’espace intersidéral, propice à de longues pensées sur le passé et le devenir de l’humain, mais aussi multitude d’autres sujets.

A mon sens Cathédrale de Brumes ne sera pas le roman de l’année en termes de ventes. Trop confidentielles pour être réellement appréciées à leur juste valeur les digressions des auteurs lasseront probablement un certain nombre de lecteurs mais la poésie environnant les Cathédrales de Brumes d’Amaranth Heliaktor parvient à réconcilier le lecteur. En effet les amateurs de philosophie science-fictionnelle trouveront leur compte tandis que ceux qui aiment les textes au style choisi seront ravis.

Concernant ce roman je ne rejoins pas certains des avis qu’il m’a été donné de lire sur la Toile : Cathédrales de Brume est un excellent roman il suffit simplement qu’il trouve le bon lectorat et au vu de la production générale cela lui sera assez difficile car des textes aussi fouillés ont assez peu leur place.

Malheureusement…

Deuskin

Piero di Cosimo ou le réenchantement du Monde

Piero di Cosimo« La mer, sa verte et sombre profondeur était le sein d’une déesse. Dans les cavernes de cristal exultait un peuple voluptueux. Les rivières, les arbres, les bêtes et les fleuves avaient un sens humain. Le vin avait un parfum plus suave, donné par la fleur de jeunesse éclatante de vie ; un dieu parmi les grappes. Une déesse apparaissait, aimante, maternelle dans le plein or des gerbes ; l’ivresse sainte de l’amour c’était le délicieux hommage à la beauté sublime. Fête éternelle et diaprée, la vie bruissait comme un printemps en traversant les siècles ».

Novalis (Hymnes à la nuit).

La vie bruissait comme un printemps en traversant les siècles…

Ce monde n’existe pas. Et il n’a jamais existé…

Un homme toutefois l’a soigneusement fait revivre pour nous. Un peintre de la Renaissance, un génie tourmenté, un artiste à l’exubérance triste et novatrice à la fois : Piero di Cosimo (1462-1522).

Nous aimons sa peinture et nous allons nous efforcer de vous faire partager notre sentiment.

Piero di Cosimo (de son vrai nom Pietro di Lorenzo di Chimenti) est né à Florence en 1462. Sa peinture se singularise essentiellement à travers ses étonnantes représentations d’une humanité encore balbutiante, festive, sensuelle. Cruelle parfois… Une humanité symbolique d’un « âge d’or » que les poètes et peintres de la Renaissance recherchèrent désespérément.

Parfois apparenté à des artistes comme Botticelli, Signorelli ou Léonard de Vinci, le talent de Piero di Cosimo est unique. Météore iconoclaste et parfaitement intemporel, notre peintre exhuma progressivement des bribes de magie, des embryons de féeries dionysiaques.

Des parcelles d’émerveillements enchâssées dans la chair même d’une terre nourricière…

Piero di Cosimo est l’héritier halluciné des grands auteurs de l’Antiquité : Hésiode, Lucrèce, Ovide.

Il adorne ses peintures d’innombrables détails qui envahissent sa toile et nous convient à explorer des continents nouveaux, des temps nouveaux ; des hommes nouveaux…

L’artiste florentin au tempérament taciturne et sauvage fut le premier à mettre en scène des personnages hors du commun. Sans délaisser les représentations mythologiques qui fleurissaient à cette époque, il peignit avec méticulosité des hommes préhistoriques, des paysages lointains, des scènes bucoliques empreintes d’une sensualité outrée.

Dans certaines peintures il privilégia l’animal au détriment de l’humain, démarche iconoclaste et presque blasphématoire dans un monde encore très soucieux de religiosité.

L’œuvre que nous avons choisie afin d’illustrer cet article s’appelle « Persée délivrant Andromède ». Elle est assez emblématique car le choix des couleurs, la disposition des personnages et l’étonnante silhouette du monstre qui menace Andromède, symbolisent idéalement la personnalité « décalée » de Piero di Cosimo.

Nous apprécions son approche, sa vision presque allégorique d’un monde où les notions mêmes de « bien » et de « mal » s’émerveillent l’une l’autre, délaissant ainsi les clivages les plus primaires. Piero di Cosimo revendique une appréhension du monde qui s’exonère totalement des critères lénifiants qui nous conduisent à la médiocrité, à la banale répétitivité du geste et de l’idée.

A une lente et pétrifiante agonie commençant, parfois, dès l’adolescence.

Le grand poète anglais William Blake affirmait : « l’exubérance est beauté » (Le mariage du Ciel et de l’Enfer). Comment lui donner tort en observant les peintures de notre artiste florentin qui cisèle les formes, les corps et les âmes, avec une palette se démultipliant à l’infini.

Sa taciturnité ronchonne s’ennoblit au contact de la Nature et de ses bizarreries. Il fait pétiller les courbes, les ellipses, les creux et les sinuosités. Son pinceau virevolte et une vie luxuriante se filigrane lentement…

Un enchantement pour l’œil. Un enchantement pour l’esprit.

Nous avons inclut Piero di Cosimo dans notre premier roman : « Cathédrales de brume », car son extravagance pétillante convient totalement à la fantasmagorie qui prévaut tout au long de cette étrange odyssée sans fin.

Nous ne regrettons nullement ce choix.

Avec Piero di Cosimo, la Nature se magnifie tout en dilatant ses frontières bien au-delà du regard. L’œuvre et l’existence de notre artiste protéiforme est un défi à l’imagination et la concrétisation d’une exigence simple et folle à la fois : apporter un supplément d’âme à la Vie.

Nous avons tous impérieusement besoin de cette exigence…

Arbres en majesté

Sur notre bonne vieille planète, qui peut continuer à exister en ayant 95% de son organisme totalement mort ?

Qui peut atteindre 120 mètres de haut ?

Qui peut réparer seul sa propre structure sans aucune aide extérieure ?

Qui peut survivre à l’explosion d’une bombe atomique ?

Qui peut vivre 43 000 ans ?

Ne cherchez pas. Ce n’est ni un héros de bandes dessinées, ni un extraterrestre en villégiature sur Terre, ni une divinité propitiatoire ayant malencontreusement quitté l’Olympe.

C’est simplement un arbre…

Tout le monde connaît les arbres et la majorité d’entre nous apprécie une ballade en forêt. Pour autant, les singularités fascinantes de l’arbre ne monopolisent guère notre attention.

Nous allons remédier ici à cette carence, car les êtres humains se focalisent généralement sur le règne animal et sa fascinante diversité, en oubliant souvent ainsi le règne végétal.

Et pourtant…

Seigneurs absolus du règne végétal, les arbres bénéficient depuis toujours de l’attention des poètes, des philosophes, des amoureux, des peintres, des photographes. Hélas, depuis quelques décennies ils sont surtout l’objet d’une attention dont ils se passeraient bien : celle des industriels du bois…

Cet infléchissement est bien dommage car un arbre demeure un être magnifique, magique et qui symbolise l’altérité dans son sens le plus strict, c’est-à-dire : différent de l’Homme et ne lui devant rien. En effet, depuis 380 millions d’années les arbres se passent merveilleusement bien des hommes, alors que les humains dépendent toujours de l’arbre.

C’est pour cette raison, sans doute, qu’ils les détruisent avec une jouissance presque malsaine. Regardez ce qui se passe en Amazonie, dans les forêts pluviales africaines ou en Indonésie.

Et pourtant, l’arbre, la puissance de sa ramure et sa longévité sans égale, furent célébrés depuis les temps les plus anciens. De l’épopée de Gilgamesh aux Métamorphoses d’Ovide, en passant par Hésiode, Sappho ou Lucrèce, tous les aèdes, philosophes ou rhapsodes concélébrèrent les vertus de l’arbre.

Les mythologies lui firent la part belle. Deux exemples suffiront.

Dans la mythologie nordique, l’Arbre-Monde est représenté comme un frêne colossal avec trois racines principales reliant trois mondes différents : Asgard, Midgard et Niflheim. Cet arbre gigantesque s’appelle Yggdrasill et neuf mondes distincts reposent sur lui.

Yggdrasill constitue donc l’axe central du divin et il émane de lui une puissance presque infinie. On observera par ailleurs que le port érigé de l’arbre symbolise une liaison parfaite entre le monde chthonien et le monde céleste, puisque l’arbre s’enracine profondément dans la terre et s’élance élégamment vers le ciel.

Dans la mythologie grecque, les Dieux punissent généralement très sévèrement les mortels qui osent s’attaquer aux arbres. Ovide cite l’exemple de Dryope. Avec sa sœur Iole, elle parcourait une forêt afin de confectionner des guirlandes  pour honorer les nymphes.

Elle cueillit une fleur, puis du sang commença à couler de la tige coupée.

Elle s’apeura en constatant cet étrange prodige. L’arbre était en fait la métamorphose d’une nymphe : Lotis, qui avait utilisé ce subterfuge afin de se soustraire à un poursuivant trop empressé.

Courroucés par ce geste sacrilège, les Dieux la métamorphosèrent à leur tour.

Terrifiée et impuissante, Iole ne put qu’observer la lente transformation de sa sœur en un arbre dont l’écorce finit par recouvrir intégralement le corps de la malheureuse Dryope.

Que se passerait-il à notre époque si les Dieux grecs étaient toujours aussi actifs ?

Les quelques questions que nous posions au début de cet article méritent une petite explication.

Pour la première, chacun peut aisément le constater en se promenant dans une forêt. Contrairement aux espèces animales qui ne peuvent survivre lorsque les trois quarts de leur corps sont morts, certains arbres survivent parfois pendant des dizaines d’années alors que la presque totalité du tronc et de la ramure est desséchée et privée de sève.

En ce qui concerne la taille, il est évident que les plus grands arbres battent tous les records de hauteur et de poids. Le plus grand arbre jamais découvert -hélas déjà tombé au sol à cette époque- était un eucalyptus regnans (Australie) qui faisait 152 mètres…

Actuellement, plusieurs séquoias en Oregon et plusieurs eucalyptus dans le sud de l’Australie frôlent ou dépassent les 100 mètres de haut.

La capacité de se réparer soi-même fait immédiatement référence au mythe de l’immortalité. L’Homme ne sait pas encore accomplir ce miracle. De nombreux arbres le font sans problème, cela fait référence à la « plasticité » des plantes qui leur permet de s’adapter à des situations extrêmes ou de modifier leur apparence afin de poursuivre leur croissance.

Survivre à une explosion nucléaire semble surréaliste si l’on se remémore que la température avoisine alors les 100 millions de degrés. Un arbre a pourtant survécu à l’explosion d’Hiroshima…

Un ginkgo biloba (arbre fossile qui existe par ailleurs depuis 200 millions d’années, quand même…) a survécu à cette apocalypse nucléaire et a refait des bourgeons, des branches et des feuilles dès l’année suivante. Respect…

Naturellement cet arbre exceptionnel fait désormais l’objet d’une dévotion particulière au Japon.

Enfin, qui peut vivre 43 000 ans ?

La durée de vie la plus longue constatée pour un arbre est actuellement de 4 900 ans. Il s’agit d’un « Bristlecone Pine » de Californie (Pinus longaeva) qui survit depuis presque cinq millénaires dans un milieu hostile et ravagé par des vents impressionnants.

Et pourtant il est là. Toujours. Et encore.

Lorsque nous évoquons une longévité record de 43 000 ans, il s’agit d’une même plante (Lomatia tasmanica) qui drageonne depuis 430 siècles. Cette plante « immortelle » vit en Tasmanie et s’étend actuellement sur plus d’un kilomètre.

Elle est donc née au milieu du Pléistocène…

Vous comprenez probablement beaucoup mieux, désormais, pour quelles raisons nous éprouvons une réelle admiration -mieux encore, une tendresse particulière- pour les arbres.

Si vous désirez en savoir beaucoup plus sur ce sujet, nous vous recommandons la lecture de Plaidoyer pour l’arbre de Francis Hallé (le concepteur du « radeau des cimes »). Ce livre est sorti chez Actes Sud.

Pour finir, nous citerons un bref extrait d’un texte d’Yves Bonnefoy intitulé L’arbre, le signe, la foudre : « L’arbre, le premier signe. C’est à voir l’arbre, au loin sur les nuées du soleil couchant ou de l’aube, que l’être conscient a jugé qu’il pourrait ajouter au monde ce supplément, au visible cet avenir qui se retournerait contre l’apparence ; qui y ouvrirait une faille ».

Ajouter au monde un supplément d’âme, donner un avenir crédible au visible et ouvrir une faille dans nos certitudes, voilà probablement une des fonctions essentielles de l’arbre.

Une fonction presque magique. Et si rare…

Postface de « Cathédrales de brume » (avec glossaire)

Postface

 

En dépit du caractère onirique et surréel de « Cathédrales de brume », le roman s’appuie sur des données scientifiques fiables et, pour une large part, unanimement acceptées par la communauté scientifique mondiale.

Les hypothèses prises en compte dans l’intrigue font référence à quatre grands « piliers » de la physique contemporaine et de la cosmologie.

Le premier de ces piliers se réfère explicitement à la Physique quantique et à la Relativité générale d’Einstein. C’est ainsi que les évocations de la multiplicité des univers, de la fluctuation du temps et des singularités quantiques, sont directement issues du Principe d’incertitude d’Heisenberg et des équations de Schrödinger, c’est à dire les fondements même de la Physique quantique.

Pareillement, les trous noirs sont les « enfants naturels » de la Relativité générale.

Le second vivier d’informations, apparemment baroques et folles, est le fruit des dernières découvertes de la cosmologie moderne. Les résultats obtenus par les sondes spatiales, le télescope Hubble, et les innombrables analyses effectuées depuis les grands télescopes situés dans les zones où l’atmosphère terrestre est la plus pure, confirment certains points mis en exergue dans notre récit.

Les trois plus importants étant :

–                           que la théorie du big bang en tant que commencement primordial doit être totalement refondue,

–                           que la matière visible, ou accessible à nos instruments d’investigation, représente au maximum 4% de notre univers,

–                           et que l’expansion de ce dernier se poursuit sur un rythme accéléré.

En fait, nous savons désormais que nous savons fort peu de choses sur la vie, l’origine et la destinée de notre univers.

Ce constat ne peut naturellement que ravir tous les romanciers de science-fiction…

La troisième hypothèse est en phase de concrétisation. Elle s’inscrit dans une forme décapante et iconoclaste de la Physique des particules que l’on nomme Théorie des cordes. Il y est fréquemment fait référence dans Cathédrales de brume, tout comme dans le screenplay que nous avons écrit en nous inspirant de cette étrange odyssée.

Pour faire court, cette théorie précise que les constituants ultimes de la matière sont de minuscules cordes dont le mode de vibration produit l’émergence de telle ou telle particule. Ceci s’apparente un peu aux cordes d’un violon qui, en vibrant, produisent des harmoniques distinctes. Ces cordes (ou supercordes lorsqu’elles incluent les principes de la supersymétrie) ont une singularité supplémentaire : elles se modélisent en… dix dimensions spatiales !

Ces dix dimensions sont nos trois dimensions habituelles, six dimensions minuscules repliées sur elles-mêmes depuis le big bang, et une dimension géante qui englobe notre univers.

Enfin, la dernière hypothèse -largement mise à contribution tout au long de l’intrigue- est sensiblement plus spéculative, même si elle est incluse dans les équations de la Physique quantique depuis le premier quart du XXe siècle.

Il s’agit de la théorie du multivers.

Cette théorie, magistralement mise en forme par Andrei Linde de l’Université de Stanford, indique que notre univers n’est qu’une parcelle d’un ensemble infiniment plus vaste et susceptible de regrouper des trillions et des trillions d’univers différents.

Bien que ces spéculations soient nombreuses et disparates, deux priment actuellement.

La première prévoit que l’ensemble des univers soit composé d’innombrables bulles se formant sans cesse et formant une « mousse d’univers » éternelle et pérenne. Dans cette optique, notre univers ne serait en fait qu’une minuscule parcelle d’une étendue cosmique colossale : le multivers

La seconde imagine que l’arborescence d’univers multiples se fasse principalement en mode vertical, les univers étant ainsi enchâssés les uns dans les autres. Cette théorie s’appuie essentiellement sur les particularités des différents types de trous noirs (stellaire, comme dans notre roman, ou galactique) et leur propension affolante à réduire une masse énorme dans un lieu de volume nul et de densité infinie.

Hâtivement brossées, ces quelques informations scientifiques démontrent que la cosmologie contemporaine est aussi extravagante, enfiévrée et baroque, que l’heroïc fantasy la plus débridée…

Afin d’apporter quelques lumières supplémentaires, le court glossaire qui suit résume certains termes techniques liés à la Théorie des cordes et à la cosmologie contemporaine.

Si vous souhaitez glaner des informations beaucoup plus complètes, nous vous recommandons trois ouvrages essentiels :

–                           Le destin de l’univers : trous noirs et énergie sombre (Fayard) – Jean-Pierre Luminet,

–                           L’univers élégant (Robert Laffont) – Brian Greene,

–                           Le paysage cosmique : notre univers en cacherait-il des millions d’autres ? (Robert Laffont) – Leonard Susskind.

Glossaire

 

Antimatière : matière dont les propriétés gravitationnelles sont similaires à celles de la matière ordinaire, mais dont la charge électrique est opposée.

Big bang : théorie selon laquelle l’univers en expansion aurait émergé, il y a 14 milliards d’années, d’un état d’énergie, de densité et de compression colossales.

Brane (ou membrane) : objets étendus caractéristiques de la théorie des cordes. Une une-brane est une corde, une deux-brane est une membrane, une trois-brane s’étend sur trois dimensions spatiales etc… Plus globalement, une p-brane s’étend sur p dimensions spatiales.

Corde : objet essentiel et unidimensionnel ; c’est l’objet principal de la théorie des cordes.

Dimension : axe ou direction indépendante dans l’espace ou dans l’espace-temps. L’espace qui nous est familier possède trois dimensions (gauche-droite, avant-arrière, haut-bas) et l’espace-temps en possède quatre (les trois axes précédents plus la « flèche du temps »). Dans la théorie des cordes, l’univers possède sept dimensions spatiales supplémentaires, mais invisibles à notre échelle.

Dualité onde/corpuscule : fondement de la Physique quantique selon lequel les objets possèdent, soit un comportement ondulatoire, soit un comportement corpusculaire.

Entropie : mesure du désordre d’un système physique. C’est en fait le nombre de réarrangements des ingrédients d’un système laissant son apparence globale intacte. En cosmologie, on évoque souvent l’entropie d’un trou noir.

Équation d’onde de Schrödinger : équation fondamentale en Physique quantique. Elle décrit l’évolution dans le temps d’une particule massive non relativiste.

Espace-temps : union de l’espace et du temps issue de la relativité restreinte d’Einstein. C’est le « matériau » à partir duquel notre univers est façonné.

Fluctuations quantiques : comportement turbulent d’un système aux échelles microscopiques dû aux relations d’incertitudes caractéristiques de la Physique quantique. Paradoxalement, notre univers est beaucoup plus lisse et placide à l’échelle cosmique qu’à l’échelle nanoscopique…

Gravitation quantique : théorie qui réunirait efficacement la Physique quantique et la Relativité générale, c’est-à-dire les deux piliers de la Physique concernant les domaines de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. La Théorie des cordes symbolise l’une des deux meilleures candidates à cette unification totale. La seconde est la Gravitation quantique à boucles.

Inflation ou cosmologie inflationnaire : évènement se situant lors de la première seconde après le big bang et qui décrit un très bref sursaut d’expansion démesurée (un facteur de l’ordre de 1050 !).

Multivers : hypothèse selon laquelle notre univers ne serait qu’un brimborion parmi des trillions d’autres univers, chacun étant régi par des lois physiques susceptibles d’être fondamentalement différentes.

Physique quantique : ensemble des lois physiques qui régissent notre univers et dont certaines caractéristiques singulières : principe d’incertitude, fluctuations quantiques ou dualité onde-corpuscule, ne deviennent manifestes qu’aux échelles nanoscopiques (atomes et particules subatomiques : quarks par exemple).

Principe d’incertitude d’Heisenberg : il stipule que l’on ne peut pas connaître simultanément la position et la vitesse d’une particule atomique. Pire encore, plus on connaît l’un de ces éléments avec précision, moins on connaît l’autre…

Spin : mouvement de rotation sur soi spécifique à la physique quantique. Les particules atomiques possèdent un spin qui est soit un nombre entier, soit un nombre demi-entier.

Théorie des cordes : théorie qui postule que les ingrédients fondamentaux (et les plus petits) de la nature sont des petits filaments unidimensionnels appelés cordes. Cette théorie présente l’avantage d’unifier élégamment la Physique quantique et la Relativité générale mise en lumière par Einstein.

Théorie des supercordes : théorie des cordes qui inclut la supersymétrie. Celle-ci décrit un principe de symétrie qui relie les propriétés des particules ayant un spin entier (les bosons) à celles des particules ayant un spin demi-entier (les fermions).

Trou de ver : région de l’univers semblable à un tube et qui est susceptible de relier ensemble des zones stellaires qui peuvent être considérablement éloignées. L’utilisation de trous de ver galactiques ou extragalactiques symboliserait le moyen le plus radical de s’affranchir de la barrière infranchissable de la vitesse de la lumière : 300 000 kilomètres par seconde.

Trou noir : objet céleste dont le champ gravitationnel est si élevé qu’il capture tout ce qui s’en approche. La gravitation y est si intense que même la lumière demeure captive de ce cannibale cosmique qui s’appelait primitivement « astre occlus ».

Préface de Jean-Pierre Luminet pour « Cathédrales de brume »

« Existe-t-il des déchirures dans l’espace qui donnent sur l’autre coté ? », écrivait Fernando Pessoa. Étrange prémonition du poète portugais, disparu en 1935…

Trente ans plus tard, le physicien américain John Wheeler interpréta certaines structures géométriques associées aux trous noirs, calculées dans le cadre de la théorie de la relativité générale d’Einstein, en termes de raccourcis qui connecteraient deux régions éloignées de l’espace.

Il baptisa « trous de ver » ces tunnels ou déchirures, ouvrant ainsi la porte aux spéculations les plus extravagantes sur les voyages spatio-temporels : serait-il possible de plonger dans un trou noir, d’emprunter le trou de ver correspondant et de ressortir par un « trou blanc », pour déboucher en un temps record dans une région très lointaine de l’univers, voire dans un « univers parallèle » ?

Malheureusement, les trous de ver et les trous blancs, contrairement aux trous noirs, sont restés à ce jour des concepts purement théoriques ; leur existence ou leur formation physique dans l’univers réel ne sont toujours pas assurées. Et même s’ils existaient, des calculs récents suggèrent que n’importe quel morceau de matière qui pénètre dans un trou de ver, fût-ce une simple particule ou un rayonnement, acquiert une énergie tellement amplifiée par le champ gravitationnel que sa propre gravité altère l’espace-temps et bouche le tunnel, empêchant l’intrus de passer de « l’autre côté ».

Je me souviens qu’en 1976, l’année même où j’ai commencé à faire de la recherche en relativité générale, la très sérieuse et très britannique Bacon Foundation offrait un prix de 300 £ à quiconque résoudrait le problème formulé de la façon suivante : « Selon la théorie en vigueur, les trous noirs sont de véritables portes ouvertes sur d’autres régions de l’espace-temps. Comment donc un vaisseau spatial pourrait-il passer d’un trou noir à une autre région de l’espace-temps sans être détruit par le champ gravitationnel d’une singularité ? »

Le jeu valait certainement plus que la modeste somme mise en jeu.

Des physiciens se sont ingéniés à imaginer dans quelles conditions un trou de ver macroscopique (associé par exemple à un trou noir géant, de façon à ce que les forces de marée ne soient pas trop grandes) pourrait rester ouvert malgré l’intrusion de matière et d’énergie (sous forme par exemple de vaisseau spatial). Ils ont découvert qu’il était théoriquement possible de maintenir un trou de ver macroscopique ouvert, à condition d’utiliser de la « matière exotique », une substance quelque peu aberrante possédant une pression négative et, de ce fait, ayant des propriétés antigravitantes.

L’antigravitation, ou gravité répulsive, permettrait alors de repousser les parois d’un trou de ver et de le stabiliser…

Nous aurions ainsi des trous de ver « intra-univers », connectant un lieu à l’autre du même univers, et des trous de ver « inter-univers » qui connecteraient des univers différents.

Cette idée d’univers multiples n’est pas aussi fantaisiste qu’il y paraît.

Comme le suggèrent certaines théories récentes de gravitation quantique, notre espace-temps quadridimensionnel pourrait n’être qu’une tranche, appelée « brane », d’un espace-temps fondamental comportant un nombre notablement plus grand de dimensions spatiales. Dans ces conditions, d’autres tranches de l’espace fondamental, c’est-à-dire d’autres branes, représenteraient d’autres « univers » qui pourraient parfaitement être reliés entre eux par des trous de ver interbranes.

On peut aussi imaginer un « bébé-univers » formé par un trou noir et connecté à son univers « parent » par un trou de ver ombilical.

Quoi qu’il en soit, les trous de ver, en distordant fortement l’espace-temps, permettraient en principe, s’ils étaient traversables, de voyager d’un point à l’autre plus vite que ce que mettrait la lumière pour franchir cette distance dans l’espace « normal ». Ce serait le voyage interstellaire assuré sur des échelles de temps humaines !

Rien d’étonnant, donc, si les trous de ver sont rapidement devenus un thème classique de la science-fiction, tant dans la littérature qu’au cinéma.

Le célèbre film 2001, Odyssée de l’espace, réalisé en 1968 par Stanley Kubrick, est devenu un classique et reste dans la mémoire de tous ses spectateurs. Le scénario repose sur une nouvelle écrite en 1954 par le perspicace écrivain Arthur C. Clarke. Ce dernier, unanimement reconnu comme l’un des auteurs de science-fiction les plus imaginatifs, suivait de très près les développements de la recherche scientifique de son temps, et il fut l’un des premiers à concevoir le voyage dans l’« hyperespace » en utilisant les distorsions engendrées par les trous noirs et les trous de ver (qui, à l’époque, n’avaient pas encore été nommés ainsi).

Lui les baptisa « portes des étoiles ».

Plus tard, les trous de ver ont constitué la clé du roman de Carl Sagan, Contact (1985, adapté au cinéma en 1997) ; ils ont ensuite joué un rôle central dans Donnie Darko (2001) et les célèbres séries Star Trek et Stargate.

Aujourd’hui, il est devenu presque la règle, dans les œuvres de fiction, d’appeler à la rescousse la physique spéculative des trous de ver afin de résoudre tout problème de voyage spatio-temporel.

L’étonnant roman que vous tenez entre les mains ne déroge pas à ce séduisant précepte. Il y ajoute une étonnante rigueur scientifique, qui m’a de prime abord étonné, mais que, par la suite, j’ai attribuée à la formation et à la culture scientifique poussées des deux auteurs.

Une rigueur scientifique que l’on trouve en maints passages.

On découvre par exemple une description exacte et quelque peu didactique de l’évolution stellaire, ainsi que des différents résidus que celle-ci engendre : naines blanches, étoiles à neutrons, trous noirs. Les étranges propriétés de ces derniers objets sont largement exploitées et commentées avec beaucoup de pertinence : horizon des événements au-delà duquel plus aucune information ne peut ressortir, monstrueuses forces de marée capables de briser des étoiles entières, disques d’accrétion ultra-chauds, vortex de gaz et de rayonnements aux images distordues par la courbure de l’espace-temps.

J’ai même eu la surprise de découvrir une référence explicite à l’image scientifique d’un disque d’accrétion autour d’un trou noir que j’ai calculée en 1979, révélant les distorsions optiques qui permettent de voir simultanément le dessus et le dessous.

Mais pour moi, les morceaux de bravoure du roman restent les péripéties qui entourent l’exploration des trous de ver, joliment nommés ici « portes d’abîme ». Parallèlement à l’excitation du voyage vers l’inconnu pointe  l’angoisse du même inconnu : c’est que « tout peut transiter par ces tunnels ; le meilleur comme le pire. De l’anti-matière, des constituants venant d’un autre univers. »

Je me suis pris à rêver au XXIIe siècle.

En effet, Oksana et Gil Prou brossent avec brio l’historique imaginaire de la découverte des trous de ver, à la fin du XXe siècle, et de leur maîtrise effective deux siècles plus tard : après bien des essais infructueux et de lourdes pertes en hommes et en matériel, ces portes d’abîme seront désormais à la portée de quelques civilisations avancées.

Mais toujours avec cette part d’incertitude, source de toutes les angoisses.

Le chapitre 34, l’un des derniers du roman, s’achève sur ces mots : « Et l’horizon les engloutit ».

Après la traversée du trou de ver, nos héros vont-ils pouvoir se reconstituer dans un autre univers, plutôt que d’être à tout jamais broyés par le funeste tunnel ? Il n’y a en effet qu’une chance sur mille milliards pour qu’ils sortent indemnes de la poigne de fer gravitationnelle associée à la porte d’abîme

Je ne dévoilerai évidemment pas le suspense, d’autant que leurs aventures semblent appelées à se poursuivre dans une saga romanesque, qui nous promet d’autres chemins tortueux.

Nous les suivrons sans hésiter !

Jean-Pierre Luminet, octobre 2008

Directeur de recherches au C.N.R.S. 
Laboratoire Univers et Théories (LUTH) 
Observatoire de Paris-Meudon, 92195 Meudon cedex, France

Après l’échec de Copenhague les pays émergents auront encore plus faim ; et soif.

Mettre en parallèle les pays émergents et le réchauffement climatique peut paraître surprenant.
Soyons clair, il ne s’agit nullement de prétendre ici que les pays émergents sont responsables d’un réchauffement climatique bien imprudemment initié par l’Homme. Bien au contraire, ces pays sont victimes des outrances des pays très industrialisés qui propulsent dans l’atmosphère des milliards de tonnes de gaz à effet de serre.
La problématique est ailleurs.
Elle est dans les chiffres, hélas…
Afin d’être clair, il faut signaler que nous utiliserons ici les expressions suivantes :
– « pays les plus développés » : il s’agit de l’Europe, de l’Amérique du Nord, de l’Australie, du Japon et de la Nouvelle-Zélande,
– « pays émergents les moins développés » : il s’agit d’une cinquantaine de pays essentiellement situés en Asie et en Afrique,
– l’expression « pays émergents » concernera donc tous les autres, et ceci concerne au premier chef les mastodontes du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).
Cette répartition peut paraître arbitraire ou discutable, mais c’est celle que les Nations Unies ont choisi, nous les utiliserons donc telle quelle.
La problématique est donc la suivante.
En 2050 nous serons, selon les chiffres actuellement les plus fiables issus des études et analyses effectuées par les Nations Unies, environ 9 milliards d’êtres humains sur Terre. Soit une augmentation de 40% par rapport à 2009.
Naturellement, cette augmentation ne sera nullement linéaire.
Les pays les plus développés stagneront autour de 1 200 millions (il est à remarquer que la population européenne passera de 726 millions à 632 millions, soit une baisse de 13% !).
Les 50 pays émergents les moins développés passeront de 718 millions à 1 675 millions, soit un accroissement vertigineux de… + 133% !
Les autres pays émergents passeront quant à eux de 4 380 millions à 6 025 millions, soit une augmentation de + 38% en phase avec l’augmentation moyenne.
Donc :
– les pays les plus développés ne représenteront plus que 7% de la population mondiale. Ce qui, au passage, marginalise totalement nos ambitions quant à une action forte au niveau du développement durable…
– les pays émergents verront leur démographie s’accroître à l’unisson de la population mondiale, mais leur poids relatif étant déjà très élevé, ils représenteront les deux tiers de la population terrestre en 2050,
– les 50 pays les plus pauvres seront infiniment plus peuplés (+ 135% en 42 ans ce n’est pas rien…), ce qui signifie qu’ils seront encore plus pauvres, encore plus dépendants des pays riches et toujours parfaitement insoucieux du réchauffement climatique et du développement durable. Quant on a moins d’un dollar par jour pour vivre, ou plutôt pour survivre, la protection de l’environnement devient une donnée parfaitement anecdotique…
Cette augmentation colossale de la population humaine se concentre sur quelques pays. Actuellement nous sommes 6,5 milliards d’habitants à nous partager très inéquitablement les ressources de notre planète. Or la population s’accroît au rythme de 77 millions d’habitants supplémentaire chaque année.
Six pays contribuent à eux seuls à la moitié de cette progression affolante : l’Inde (21% du total), la Chine (12%), le Pakistan (5%), le Bengladesh (4%), le Nigeria (4%) et les Etats-Unis (4%).
Pour illustrer ceci d’un seul exemple : la population indienne augmente davantage en une seule semaine que toute la population européenne en un an !!!
Autres exemples pris en Chine : la ville de Beijing immatricule 1 500 voitures supplémentaires chaque jour et la Chine ouvre une nouvelle centrale électrique à charbon par semaine…
On comprend pour quelles raisons le sommet de Copenhague ne pouvait aboutir qu’à un cruel et pathétique constat d’impuissance.
Notre impuissance…
A cet instant, et devant ces données effarantes, on comprend immédiatement le sens à donner au titre de cet article : représentant en 2050 presque 90% de la population mondiale, les pays émergents auront très faim. Et très soif…
On assistera alors à l’accélération d’une « spirale perverse » que l’on peut résumer ainsi : de plus en plus d’habitants souhaiteront accéder aux bienfaits de la consommation de masse, donc les prédations exercées par l’Homme au détriment de notre planète s’accroîtront vertigineusement.
La conséquence sera immédiate : diminution des ressources naturelles et accroissement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère (il faudra bien produire de plus en plus…), ce qui accélérera encore un peu plus le réchauffement climatique.
Résultats : moins d’eau douce dans les zones souffrant de stress hydrique, élévation du niveau de la mer (donc généralisation des « exilés climatiques »…) avec accroissement de la température moyenne des océans.
Or, la plus terrifiante menace qui soit pour l’humanité se résume en huit mots : augmentation excessive de la température moyenne des océans.
A partir d’une augmentation moyenne de 4 à 5° la machine s’emballe. Et plus rien n’y personne ne pourra l’arrêter.
Au-delà… c’est la disparition programmée de la civilisation humaine.
Tout simplement.
Et Copenhague vient d’échouer…

Chronique de « Cathédrales de brume » sur le site « L’Autre Monde »

L’autre monde

Roman 492p./Hors Collection
Préface de Jean-Pierre LUMINET
Illustration de couverture : Monsu DESIDERIO
Date de parution : novembre 2009
ISBN : 978-1-934543-98-6

Que feriez-vous si vous deviez vivre pendant plusieurs millions d’années ?

De nombreuses choses vous viennent instantanément à l’esprit… Mais si vous deviez vivre toutes ces années enfermé dans un sarcophage transparent, seul, dans un vaisseau de survie, qui dérive au milieu de l’espace, sans destination connue et sans aucun moyen de communication ? C’est la folie assurée !

Pour éviter cette lente descente aux enfers, Amaranth Heliaktor va pouvoir converser avec Emmïgraphys, une sentinelle. Cette intelligence artificielle est là pour prendre soin de lui et veiller à ce qu’il puisse conserver son équilibre mental. Pour son corps, la nanotechnologie est là.

Afin d’agrémenter les longues années de solitude qui l’attendent, Amaranth Heliaktor va commencer à construire des Cathédrales de Brume. Ce sont des créations de son esprit, qui ont des effets sur le monde réel ou en tout cas sur la perception qu’il a de son environnement. Si les créations sont au départ de simples architectures, elles vont rapidement se complexifier, puis devenir des planètes entières. Et enfin des personnes bien réelles (si l’on peut dire).

Emmïgraphys va participer à l’élaboration des Cathédrales de brume. Ensemble, ils vont pouvoir « vivre » avec de nombreux invités, dans un environnement que l’on pourrait qualifier de paradisiaque. Emmïgraphys pouvant d’ailleurs s’incarner à l’intérieur de ces Cathédrales de brume. Les rencontres avec des personnes ayant existé (Attila, Leonard de Vinci, Jim Morisson), des personnages imaginaires ou des extra terrestres (Les Alphaëon, les Daëdalus) seront riches en enseignements. La relation à l’autre reste une des plus importantes (relation amicale ou amoureuse). Il nous est rappelé que c’est à travers la perception de l’autre que l’on peut se situer soit même.

Toutes les réjouissances proposées dans la Cathédrales de brume sont autant de salon de discussions où les idées fusent. Et lorsqu’il devient possible de raisonner pendant plusieurs milliers d’années sur un sujet, quel infini plaisir ! Pouvoir creuser chaque réflexion, aller au fond des choses, sans se soucier du temps…

Mais le temps est relatif, comme tout le monde le sait. Surtout avec la théorie des Cordes, cette théorie de physique quantique selon laquelle il existe 10 dimensions. (pour en savoir un peu plus : lien wikipedia http http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_cordes). En extrapolant un peu cette théorie, Oksana & Gil Prou, nous propose une nouvelle vision de notre univers et un voyage dans les différentes galaxies, au-delà de toutes possibilités humaines. L’utilisation des dimensions que nous ne percevons pas ouvrant la porte de d’innombrables possibilités : avoir des formes plus grandes à l’intérieur qu’à l’extérieur, l’existence des trous de ver, pouvoir fusionner ou séparer les matières, influer sur notre environnement et créer. Pouvoir se remettre à l’œuvre, encore et encore, sans contrainte de temps, pouvoir peaufiner le moindre détail et complexifier à l’envie.
Surtout pouvoir vivre des aventures extraordinaires.

Imaginez le plaisir que vous pourriez avoir, de pouvoir prendre le temps, de pouvoir faire durer les meilleurs instants, pouvoir vous améliorer au fur et à mesure des vos expériences !

C’est ce que vous proposent de découvrir Oksana & Gil Prou, et tant d’autres choses, à travers Cathédrales de Brume. Car si Amaranth Heliaktor évolue dans notre univers cosmique, il fait des rencontres extraordinaires qui vous feront rêver et vous donneront envie de vous laisser porter par les pensées de ce naufragé de l’espace. Le roman est rempli de très nombreuses références aussi bien philosophiques qu’artistiques. L’ensemble étant servi avec un ton léger et une certaine sensualité. Tout est mis en œuvre pour que tout se passe au mieux L’esprit est maître, il doit être stimulé en permanence, pour ne pas sombrer dans le néant du vide.

Sorte de Robinson Crusoe, Amaranth Heliaktor va explorer les capacités que lui offrent les cathédrales de brume. Celles-ci semblent infinies, son imagination et ses connaissances étant les seules limites. Chose assez incroyable, ces créations peuvent également agir d’elles mêmes ! Les auteurs indiquent souvent que les personnages qu’ils créent leur échappent. C’est exactement la même situation pour Amaranth avec les invités des Cathédrales de brume. Et la jouissance qu’il en éprouve doit être la même que celle des écrivains. Elle sera vôtre, si vous vous laissez entraîner dans ce voyage intergalactique sans précédent. Vous sortirez ainsi des sentiers battus et des idées préconçues.
Une œuvre surprenante et passionnante qui vous marquera à jamais.

Xavier

A noter l’existence d’une bande son, spécialement composée par DAWN & DUSK ENTWINED qui accompagne le livre.

Pour découvrir les titres voici le lien vers la page MySpace créée spécialement pour Cathédrales de Brume. http://www.myspace.com/cathedralesdebrume

Lien vers l’interview d’Oksana et Gil Prou, réalisée aux Utopiales 2009 : http://lautremonde.radio.free.fr/interview.php?id=322

Interview pour le site Mythologica.net

Nous vous proposons aujourd’hui un entretien avec deux auteurs assez atypiques de la scène imaginaire française : Oksana & Gil Prou. Auteurs de Cathédrales de Brume nous leur avons posé quelques questions afin de mieux comprendre quel a été leur processus d’écriture, quelles ont été leurs influences mais aussi de leurs projets futurs. Maintenant j’arrête mon blabla et je leur cède la place…

Mythologica.net : Bonjour à tous deux et merci de prendre le temps de répondre à ces quelques questions. Votre bébé, Cathédrales de Brumes, est en librairie depuis quelques temps déjà. La chronique sur le site se trouve d’ailleurs ici. Comment deux personnes au parcours et au style si différents en sont venus à écrire de la science-fiction, et surtout ensemble. En ce qui te concerne Oksana comment en vient-on du film de charme à la science-fiction (même si je me doute que cette question t’a déjà été posée cent fois…) et toi Gil pourquoi après avoir dirigé la FNAC te tournes-tu vers l’écriture alors que tu aurais pu réaliser énormément d’autres choses. Le rayon SF de la FNAC n’étant même pas très important pour eux…

Oksana : Bonjour Mythologica et merci pour la chronique !

J’aborde simultanément le X et la science fiction comme un même univers, mystérieux à découvrir, à décrypter et à enrichir. Tout devient possible ainsi. Dans le domaine du sexe et de la cosmologie on est très loin d’avoir fait un tour d’horizon complet. Le sexe et l’univers symbolisent un sujet universel qui passionne le monde depuis la nuit des temps. Dans ce contexte unissant sensualité, émotion et émerveillement devant les beautés du cosmos, les horizons transgressifs proposés par la SF se déploient sans cesse devant notre imagination.

C’est pour cette raison que notre premier roman est souvent empreint de sensualité et d’une fantastique envie de découvrir l’autre. Et ceci même si l’autre est un extraterrestre à la pensée fragmentaire ou un crocodile géant !

Enfin, j’ai toujours été intéressée par l’écriture. Récemment, j’ai réalisé des reportages et rédigé des chroniques pour la version française de la revue « Les filles de Penthouse ».

Gil Prou : J’ai quitté la FNAC en 2000. Trois tours du monde plus tard, j’ai décidé de poser mon sac et de me consacrer à l’écriture car mes activités précédentes ne m’avaient vraiment pas laissé le temps nécessaire. J’avais déjà fait quelques essais littéraires, il y a très longtemps, lorsque je collaborais à la revue « Actuel » (essentiellement des chroniques de disques). Mais ce désir de partager avec les lecteurs des émotions se noyant dans une intrigue fantasmagorique devint très forte au fil du temps.

Oksana et Gil Prou : Comme nous nous connaissons depuis plusieurs années, l’idée d’écrire ensemble s’est insensiblement imposée à nous. Nos personnalités étant très différentes (c’est le moins que l’on puisse dire !) et nos centres d’intérêts étant très proches, l’osmose littéraire se concrétisa presque immédiatement.

Naturellement, nous aurions pu coécrire des récits mêlant sexe, argent, pouvoir et vengeance. Ce cocktail réussit généralement fort bien…

Mais notre ambition était toute autre car nous souhaitions développer dans nos romans une approche très personnelle de la vie que l’on pourrait définir comme étant une sorte de « paradigme de l’iceberg » que l’on peut résumer ainsi en quelques lignes. Tout comme nous ne voyons que 10% de la masse d’un iceberg lorsque nous naviguons près de lui, toute la complexité de la vie se réduit souvent aux apparences, parfois même à la surface des apparences… Etant tous les deux passionnés par la cosmologie et la gravitation quantique, nous pouvons confirmer que ce constat se vérifie éloquemment dans ces domaines scientifiques qui nous obligent systématiquement à « élargir le regard ». Cette ambition nous convient totalement.

M.net : L’intrigue du roman surprend un peu, surtout quand on lit entre les lignes et que l’on ne s’arrête pas aux premières impressions. Avez-vous souhaité utiliser un scénario pour développer vos idées un peu plus profondes ou bien l’inverse ?

Oksana : J’aime quand on peut lire entre les lignes… Dans la vie il ne faut jamais s’arrêter aux apparences. Derrière chaque visage il y a une âme différente, et cette âme est rarement le strict reflet du visage. L’Homme a souvent l’impression de maîtriser le monde, mais beaucoup de chose lui échappe car il omet de franchir la fragile surface du miroir de ces mêmes apparences qui polluent notre sensibilité et nos capacités de réflexion.

Gil Prou : Dans notre démarche créative, ce fut l’inverse en réalité car, en façonnant les différentes péripéties et en écrivant le roman, des images  cinématographiques nous venaient continûment à l’esprit. Nous avons donc écrit un scénario qui s’inscrit dans le strict prolongement du récit.

Oksana & Gil Prou : Par ailleurs, notre roman est plutôt conçu comme un conte car il mêle inextricablement des réalités cosmiques et des fantasmes intimes. Condamné à errer dans l’espace pendant plusieurs millions d’années sans pouvoir bouger ni mettre fin à ses jours, notre héros doit rêver son destin et le façonner à sa mesure. C’est pour cette raison -et en raison du caractère atypique de notre postulat de départ- que nous poussons jusqu’au paroxysme les ahurissantes potentialités de la Théorie des cordes, de celle du « multivers » et des trous noirs.

Nous sommes donc très éloignés du space opera classique et avons cherché à mettre un peu d’onirisme et de poésie dans cette tragédie humaine hors norme.

On peut signaler aussi que certains ingrédients caractéristiques du space opera sont développés ici dans un cadre qui annonce une quête plus ambitieuse encore (ce roman devrait se poursuivre dans le cadre d’un « triptyque » s’immergeant dans les arcanes du multivers). La préface de Jean-Pierre Luminet met parfaitement en exergue certains de ces points.

M.net : Comment se passe l’écriture à quatre mains ? Cela a-t-il par moment créé des dissensions ou bien le principe a-t-il été facilement mis en place.

Oksana & Gil Prou : Ecrire à quatre mains est extrêmement facile lorsque les deux auteurs se partagent bien le travail. Dans notre cas le principe est simple : Oksana s’occupe principalement de l’humain et des émotions et Gil s’occupe principalement de l’environnement matériel et des péripéties. Ensuite tout va très vite : identification d’une idée de départ, organisation des grandes articulations du récit, puis mise en place des principales péripéties.

Puis on écrit un premier jet (le résultat est généralement assez décevant) et on retravaille le texte. Encore et encore… Par phases successives l’épure originale prend forme et le travail le plus excitant commence alors : donner vie à l’ensemble !

Cela occasionne d’innombrables discussions, mais jamais de dissensions.

Cette façon de travailler nous convient parfaitement car elle nous permet de mettre en œuvre une véritable alchimie qui se nourrit de nos différences. Et l’arithmétique de nos émotions et de nos imaginations cumulées s’étoffe toujours un peu plus à chaque phase de l’écriture.

M.net : De fortes connotations écologiques sont lisibles dans ce roman. Etait-ce une volonté de votre part de défendre ces théories ? Faites-vous autre chose parallèlement pour défendre cette cause ?

Oksana : L’écologie et la problématique de l’environnement sont des sujets qui nous passionnent. C’est quelque chose qui nous concerne tous !

Notre planète est de plus en plus polluée. Les guerres et la pauvreté croissent sans cesse. Tout le monde ne vit pas confortablement sur notre planète. C’est le moins que l’on puisse dire. En 2009, un milliard d’êtres humains ont faim et un enfant meurt toutes les cinq secondes en raison d’une eau insuffisante ou trop polluée !

C’est aberrant et honteux pour notre XXIe siècle. Une fois que nos ressources seront épuisées et que la Terre ne suffira plus à assouvir nos fantasmes de domination et de conquête, où irons-nous ?

Nous penserons alors à nous implanter sur une autre planète. Pour refaire les mêmes erreurs ?

Je pense que si des extraterrestres étaient susceptibles de voir cela, ils ne feraient certainement pas notre connaissance et ne comprendraient pas notre logique et l’étrange façon que nous avons de nous servir de notre… intelligence !

Gil Prou : Nous aimons la Nature dans son sens le plus large : les animaux, les plantes, la beauté des paysages. Ceci apparaît clairement dans notre blog : www.oksanaetgil.skyrock.com .

Naturellement l’aveuglement humain actuel nous révolte et nous redoutons les effets catastrophiques de la disparition de la biodiversité et de la salutaire différence qui existe entre les êtres depuis les aubes du précambrien. Nous sommes tous les deux perpétuellement en quête d’altérité, et cette quête passe aussi bien par la philosophie que par la sensualité…

C’est pour cette raison que, dans « Cathédrales de brume », nous faisons la part belle à des êtres vraiment différents. Nous les aimons ; et nous revendiquons clairement ce choix.

Oksana & Gil Prou : Dans le même ordre d’idée, certaines des intrigues amoureuses du roman sont résolument « décalées ». Mais, là encore, la culture des différences symbolise une volonté d’appréhender l’autre dans sa totalité et non par le prisme biscornu des apparences. Cette démarche est typiquement néoplatonicienne car elle s’articule sur la prééminence de l’Un et l’acceptation totale de la « coïncidence des opposés » chère à Nicolas de Cues…

Pour répondre à la dernière partie de la question, nous pensons que si nos romans aident certains lecteurs à se poser quelques questions importantes sur eux-mêmes et leur relation aux autres, nous n’aurons pas perdu notre temps.

Chaque réponse est une nouvelle question. Et l’arborescence est sans fin.

M.net : J’ai vu également qu’un groupe de musique s’était inspiré de votre roman à tous deux pour sortir un album. Comment cela s’est-il passé et les deux projets ont-ils finit par se nourrir ?

Oksana & Gil : En écrivant le scénario de « Cathédrales de brume » (le titre du screenplay est « Soliloquium in splendor ») nous imaginions les différentes scènes tout en nous efforçant d’y inclure une musique qui mette en valeur les séquences les plus fortes émotionnellement parlant.

La musique de certains groupes de Dark Ambient nous venait immédiatement à l’esprit : Lustmord et Raison d’Être par exemple.

Nous cherchions donc une musique qui pourrait constituer une bande originale de film. Le label suédois Cold Meat Industry (www.coldmeat.se) nous apporta la solution en nous faisons découvrir les atmosphères martiales et envoûtantes de « Dawn & Dusk Entwined ».

Nous avons contacté David Sabre via MySpace. Nous lui avons présenté le synopsis de l’intrigue, puis nous nous sommes rencontrés.

Trois mois plus tard les 27 morceaux étaient composés, chacun reprenant une péripétie ou une séquence du scénario.

Nous sommes très fiers de ce partenariat qui symbolise parfaitement les connivences que l’on peut concrétiser entre des domaines et des disciplines différentes. Schopenhauer prétendait que « l’architecture est de la musique congelée » (Le Monde comme volonté et comme représentation) et cette image nous plaît bien car elle corrobore notre volonté -dans nos romans comme dans nos vies- d’évolution perpétuelle entre des mondes différents, des sensibilités différents. Des univers différents.

Ceci explique aussi l’étrange accointance littéraire réunissant une star du X passionnée par la cosmologie et un amateur de Dark Metal passionné de poésie.

M.net : Comment a été reçu ce premier roman à la fois par les journalistes et chroniqueurs mais aussi par le public car je crois que vous vous déplacez sur les salons pour rencontrer vos lecteurs…

Oksana : Notre premier roman a été plutôt bien accueilli par celles et ceux qui l’on lu entièrement.

Notre approche étant assez atypique, certaines personnes sont déroutées au début, mais le dialogue avec les lecteurs lors des salons permet d’expliquer la raison d’être de certaines péripéties ou l’emploi (dans le premier roman en tout cas) d’un vocabulaire qui peut paraître exagérément luxuriant.

Gil Prou : Par ailleurs, nous n’avons nullement pour objectif de plaire à tout le monde… Mais si nos romans permettent l’ouverture d’un débat ou de discussions sur des problèmes de fond, nous aurons remplis notre mission.

La rencontre avec nos lecteurs -ou nos futurs lecteurs- est un instant privilégié et particulièrement fécond. C’est pour cette raison que nous participerons à plusieurs festivals de SF.

M.net : Je crois qu’un second roman est d’ores et déjà prévu chez un autre éditeur. Pouvez-vous nous en dire plus à la fois sur la date de sortie mais aussi sur le contenu ?

Oksana : Notre second roman : « Katharsis » sort effectivement au mois de mars 2010 aux Editions Interkeltia : http://www.interkeltia.com/Fiches-livres/f-katharsis.htm . C’est un roman de SF fondamentalement différent car il se situe dans un avenir proche et prend la forme d’un thriller écologique. Le thème étant cruellement d’actualité et l’ensemble des données prises en compte étant tout à fait réaliste et crédible (une seule information utilisée dans le récit est volontairement exagérée d’un facteur 10), le philosophe et écologiste Yves Paccalet a immédiatement accepté de rédiger une préface pour « Katharsis » après avoir lu le manuscrit.

Il y a effectivement une évidente synergie entre son essai le plus célèbre : « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! » et notre roman.

Gil Prou : Ce thriller évoque un chantage à la finalité apocalyptique -dans le sens congru du terme « apocalyptique »- si les gouvernements des principaux pays refusent d’obtempérer à une triple requête visant à protéger notre planète et nous-mêmes du drame environnemental et social qui couve.

Nous n’en dirons pas plus, mais cette intrigue nous place à l’aplomb de notre propre abîme. Et tous les éléments enrichissant les différentes péripéties du roman sont déjà en germe dans notre société en 2009.

M.net : Quels sont les prochains évènements auxquels vous avez prévu de participer, afin que vos lecteurs puissent vous rencontrer ?

Oksana & Gil Prou : Nous participerons aux 6eme « Rencontres de l’Imaginaire » à Sèvres (12 Décembre), puis au festival « Zone Franche : les Mondes Imaginaires » à Bagneux (13 & 14 Février 2010).

Par ailleurs, nous serons en dédicace le samedi 20 Février (à partir de 15h 30) à la librairie Gibert Joseph située à l’angle du Bd St Michel et de la rue de l’Ecole de médecine. Nous devrions être avec Kurt Steiner, Alain Blondelon et P-J Herault.

D’autres dédicaces devraient suivre.

M.net : Merci en tout cas d’avoir pris la peine de répondre à ces quelques questions et je vous laisse bon courage pour la suite de vos aventures science-fictionnelles.

Oksana & Gil Prou : Merci beaucoup d’avoir pris part à notre aventure en nous consacrant cette interview !

Entretien réalisé par Deuskin

Les prémices de la vie sous les glaces d’Europe

Depuis Galilée, nous connaissons les quatre plus gros satellites de Jupiter : Ganymède, Europe, Io et Callisto. On les appelle souvent lunes galiléennes en hommage à leur illustre découvreur.

Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour que d’autres satellites apparaissent dans les lunettes et les télescopes des astronomes qui s’escrimaient à répertorier les mystères de l’Univers.

Désormais on en connaît… 63 !

Avant l’envoi de sondes spatiales orbitant autour de la planète gazeuse géante qui trône au centre de cet invraisemblable carrousel d’objets célestes, on connaissait les caractéristiques physiques des quatre plus gros satellites de Jupiter.

Et c’était tout.

Avec la mission Galileo on a enfin découvert une partie des mystères de cet étrange système solaire en miniature.

Les deux satellites les plus étonnant sont Io et Europe.

Habituellement nommée la « planète pizza » en raison de sa couleur générale rappelant étrangement une pizza bigarrée par la tomate et le fromage fondu, Io est affectée par un volcanisme démentiel. Elle recrache ses entrailles par la bouche de centaines de volcans géants qui lacèrent sa surface.

Cette agitation volcanique démentielle est due à la très grande proximité de Io avec la planète géante. Les forces gravitationnelles étant titanesques en raison de la masse de Jupiter, l’intérieur de Io est affecté par des « effets de marée » qui triture le magma central et provoque ce volcanisme hystérique.

La situation est beaucoup plus calme pour Europe, qui est par ailleurs la plus petite des quatre lunes galiléennes. Son intérêt est ailleurs…

Lorsque Galileo put s’approcher relativement près de ce satellite à l’apparence banale, on découvrit avec surprise que la surface d’Europe est intégralement recouverte de… glace !

Sous cette glace, un océan gigantesque : 100 kilomètres de profondeur en moyenne…

L’épaisseur de cette ahurissante « banquise » extraterrestre est quant à elle d’une dizaine de kilomètres. Nous découvrons donc avec stupeur un lointain satellite jovien qui symbolise en quelque sorte une planète aquatique pétrifiée dans la glace.

Et qui dit « eau » dit « vie ».

On peut s’étonner de l’existence d’un océan de ce type alors que la température de surface frôle les -200°C !! Mais l’existence simultanée d’un volcanisme silicaté et d’un gradient géothermique important autorise ce paradoxe à l’échelle de notre expérience terrestre : de l’eau à l’état liquide dans un environnement outrepassant tout ce que l’on connaît sur notre planète. Pour mémoire, les températures les plus basses observées sur Terre sont de -90°C en Antarctique. Brrr…

Naturellement, notre imagination bourdonne, s’enthousiasme et fantasme. Un océan recouvert de glace à la surface d’Europe nous conduit immédiatement à nous interroger sur la possible existence d’une forme de vie embryonnaire sur Europe.

C’est possible. Très possible même…

Dans un précédent article intitulé : « Celles qui nous survivront… » nous avions présenté des êtres extraordinaires : les bactéries extrêmophiles. Vivant dans des milieux apparemment parfaitement incompatibles avec la vie, ces bactéries prolifèrent dans de l’eau bouillante, dans des milieux très salés, très acides. Bref, ils s’accommodent parfaitement de l’Enfer !

On en trouve aussi dans des milieux sans aucune lumière, sans oxygène ou dans des lieux où règnent une température très largement inférieure à 0°C.

Celle-ci sont généralement des bactéries procaryotes qui sont définit comme étant « psychrophiles »… encore un nom idéal pour un groupe de Death Metal !

Ces extrêmophiles psychrophiles pourraient donc vivre sans aucun problème dans la glace qui encapuchonne Europe ou au sein de son gigantesque océan.

Comment le savoir ?

Il faudra y aller un jour, ce qui impliquera l’organisation d’une expédition jovienne ayant pour vocation d’envoyer un module qui fracturera la banquise d’Europe afin d’en analyser les composants.

Et les éventuelles traces d’une vie extraterrestre…

Pour l’instant nous ne pouvons pas aller plus loin, mais nous éprouvons un réel plaisir à imaginer une faune étrange s’agitant frénétiquement dans les abîmes de l’océan d’Europe. Une faune dont les formes baroques et incongrues nous remémorerons peut-être nos pires cauchemars.

Ou nos rêves les plus luxuriants…

Se ciselant éternellement dans le froid, cette faune adopte peut-être des formes cristallines. Elle peut aussi s’orner d’une gothicité outrée que ne renieraient pas les peintres les plus hallucinés.

Qu’importe…

Si elle existe, cette faune démontrera l’incroyable diversité du cosmos et l’ingéniosité de la Nature lorsqu’elle doit se confronter à des situations extrêmes.

Elle nous prouvera en tout cas que l’immarcescible beauté dont l’Univers se pare, même dans ses instants les plus cataclysmiques, demeurera inviolée à jamais.

Et c’est très bien ainsi…

Oksana & Gil