Article paru le 25 Août dans Le Populaire du Centre

Article paru dans "le Populaire du Centre"

Voilà le scan de l’article paru le 25 Août 2010 dans « Le Populaire du Centre ».

Le 29 Septembre nous participerons à l’enregistrement de l’émission « Ma vie est une aventure ». Elle sera diffusée sur FR3 en Octobre.

Lien vers l’article sur le site du Populaire : http://www.lepopulaire.fr/editions_locales/limoges/une_actrice_x_et_un_cadre_fnac_ecrivent_de_la_sf_a_quatre_mains@CARGNjFdJSsGExIDChk-.html et sur celui de « La Montagne » :  http://www.lamontagne.fr/editions_locales/haute_vienne/une_actrice_x_et_un_cadre_fnac_ecrivent_de_la_sf_a_quatre_mains@CARGNjFdJSsGExIDChk-.html

La vie acéphale…

Beaucoup d'êtres non nullement besoin d'un cerveau...

Nous l’avons déjà plusieurs fois mis en lumière dans ce blog : la vie s’exprime parfois par le biais de l’indicible, de l’ahurissant : de l’incongru… L’exemple qui suit en constitue une illustration presque parfaite. Et ce constat est riche de potentialités nouvelles.

Avant cela, évoquons brièvement ici l’histoire de Mike. Aussi étonnante soit-elle, cette anecdote est véridique…

Le 10 septembre 1945, un fermier nommé Lloyd Olsen alla chercher un poulet dans la cour de sa ferme de Fruita, dans le Colorado.  Il choisit un petit coq surnommé Mike, qu’il entreprit de décapiter d’un coup de hache.

Lloyd visa de son mieux pour garder l’os du cou, la partie préférée de sa belle-mère. Or celle-ci étant invitée à diner, le fermier souhaitait lui faire plaisir.

Lorsque la hache s’abattit, Mike déambula encore quelques instants, comme la plupart des volailles le font dans ce cas-là. Mais, au lieu de succomber au bout de quelques secondes, il sembla reprendre normalement sa vie de coq, essayant de lisser son plumage tout en picorant machinalement.

Sans succès, car le malheureux était désormais privé de sa tête !

Devant un tel acharnement à survivre, Lloyd Olsen décida de prendre soin du miraculé. Il commença à le nourrir à l’aide d’une pipette qu’il remplissait de lait, d’eau, et de petits grains de maïs.  Lorsque Mike s’étouffait dans ses propres secrétions, les membres de la famille Olsen lui nettoyaient la trachée avec une seringue.

Très vite, l’histoire du coq sans tête se répandit dans la région, entrainant des rumeurs de canular que l’on peut aisément comprendre dans un semblable contexte.

Pour démentir ces rumeurs et mettre fin aux quolibets, Lloyd Olsen emmena Mike à l’Université d’Utah, où les scientifiques purent confirmer l’authenticité du phénomène, aussi ahurissant soit-il.

Devenu une véritable célébrité, Mike entama une tournée de spectacles itinérants dont il était la vedette en compagnie d’autres créatures étranges.

Il fut photographié par des dizaines de magazines et de journaux, dont le Time.

Mike -le poulet sans tête- vécu ainsi pendant près de deux ans...

Les gens payaient 25 cents pour venir voir un poulet acéphale qui continuait à vivre sans problème. Au sommet de sa popularité, il générait chaque mois l’équivalent de 50 000 €. Il semblait aussi heureux que n’importe quel coq, essayant parfois de pousser un cri qui se soldait, naturellement, par un gargouillis informe.

Devant le succès d’Olsen et de sa merveille, de nombreux copieurs essayèrent d’obtenir leur propre poulet sans tête, mais aucun ne survécut plus de deux jours.

Hélas, une nuit de mars 1947, Mike commença à s’étouffer dans un motel de Phoenix. La famille Olsen avait oublié la seringue de lavement lors d’un spectacle donné la veille. Désemparés, les fermiers ne purent sauver le malheureux coq.

Mais au total, celui-ci vécut plus de 18 mois sans tête.

Une autopsie permit de déterminer que la hache avait manqué de peu l’artère carotide, et qu’un caillot avait évité à Mike de se vider de son sang. Et bien que sa tête soit totalement tranchée, une partie du tronc cérébral ainsi qu’une oreille étaient encore en état de marche. Cela suffit à Mike pour mener une vie de coq à peu près normale.

Soixante deux ans après sa mort,  Mike est toujours une légende dans la ville de Fruita. Un festival annuel lui est consacré au mois de Mai avec divers concours et attractions reliés à cette extraordinaire aventure célébrant une vie acéphale se prolongeant bien au-delà du raisonnable. Il existe également des chansons en son honneur, ainsi qu’une statue.

L’histoire est, selon la sensibilité de chacun, amusante, édifiante, émouvante.

On peut aussi appréhender différemment la saga de ce brave poulet qui survécut pendant plus de 500 jours sans sa tête.

Naturellement, chacun sait que l’on peut parfaitement vivre sans cerveau (ou, en tout cas, éviter systématiquement de s’en servir…), la majorité de nos hommes politiques et des footballeurs de l’équipe de France -ainsi que de nombreux participants à des jeux télévisés- nous le démontrent éloquemment chaque jour.

Plus sérieusement, d’innombrables créatures vivent depuis des centaines de millions d’années tout en étant totalement dépourvues de cet organe dont nous nous enorgueillissons bien imprudemment. En effet, lorsque l’on détruit sciemment la seule planète susceptible de nous accueillir tout en condamnant ainsi l’avenir des enfants de nos enfants, on doit s’inquiéter de notre arrogance mêlée d’aveuglement…

Dans un article ancien, nous évoquions déjà l’étrange et séduisante « intelligence » des myxomycètes. Modestes moisissures formant un plasmodium, ces êtres apparemment frustes et sans cerveau résolvent rapidement tous les pièges que nos chercheurs s’évertuent à créer devant eux.

Ces insouciants myxomycètes parviennent ainsi à s’extraire aisément d’un labyrinthe complexe qui interloquerait bon nombre d’humains. Mais ils n’ont pas de cerveau… comme Mike !

Ce constat déroutant est avant tout vecteur d’humilité tout en corroborant totalement l’idée centrale qui anime nos romans : « le visible n’est que l’épiphanie de l’invisible » (René Char).

Les apparences sont toujours trompeuses et nous appréhendons systématiquement moins de 10% de la réalité. Que ce soit en observant l’univers, ou en s’observant soi-même.

Mike -le fougueux poulet sans tête- nous replace ici à la verticale de notre propre ambiguïté.

Nous ne le remercierons jamais assez…

Pour une vision holistique du Monde

Regarder bien au-delà des apparences...

Nous venons d’achever l’écriture de notre troisième livre. Intitulé « Les métamorphoses d’Eros », cet essai met en lumière et prône une vision holistique du Monde qui nous permettrait, peut-être, d’endiguer les sombres crépuscules environnementaux et sociaux qui nous attendent à la croisée des décennies à venir.

Dans le droit fil de la logique qui dynamise cet essai assez iconoclaste, le moment est probablement venu d’en dire un peu plus sur les motivations qui nous conduisent à écrire ensemble.

La juxtaposition de nos personnalités et de nos expériences peut surprendre. En effet, nous avons :

–          d’un côté une star du X qui se passionne pour la cosmologie et l’Histoire de l’Egypte antique, tout en assumant pleinement sa sensualité libertine,

–          de l’autre côté un ancien dirigeant de la FNAC, féru de philosophie platonicienne, et qui écoute du Dark Metal tout en lisant de la poésie.

Notre tandem littéraire peut légitimement dérouter. Et pourtant, notre association est pertinente car elle s’inscrit dans une logique toute simple. Nous allons succinctement la résumer ici.

L’esprit humain est capable de mettre en œuvre des choses admirables, mais il est systématiquement bridé par trois contraintes :

–          la brièveté de la vie,

–          la balourdise de notre corps en regard de l’agilité de notre esprit,

–          les carcans et rigidités mentales qui étouffent notre imagination et nos potentialités.

A l’évidence, nous ne pouvons guère bousculer les deux premiers constats. Nous pouvons en revanche lutter contre la troisième tendance qui engourdit notre esprit et nous convie à la médiocrité.

A travers nos deux premiers romans, notre nouvel essai et ce blog, nous souhaitons exploser ces frilosités psychiques afin d’élargir enfin le regard et acquérir ce que nous appelons une vision holistique du Monde, des autres, et de soi-même.

Ce troisième point est naturellement le plus important…

Pour faire court, une vision holistique des choses s’oppose au réductionnisme. On prend donc chaque situation dans sa globalité en partant du principe qu’un Tout représente toujours plus que la somme de ses parties. A cette vision élargie, apaisée et « panoramique » de la Nature et des êtres qui nous entourent, s’ajoute une totale mise en abyme qui s’appuie sur ce nous appelons le « paradigme de l’iceberg ».

Explication…

La partie visible d’un iceberg représente moins de 10% de celui-ci. Dans un autre registre, l’univers que nous détectons avec nos instruments de mesure représente moins de 5% du total. Et ce dernier s’inscrit probablement dans un ensemble beaucoup plus vaste que les théoriciens de la cosmologie nomment « multivers »…

Le visible ne symbolise donc qu’une infime partie de l’invisible, son épiphanie en quelque sorte comme le résume parfaitement René Char. Et il en est de même pour nous… Ce que nous appréhendons des autres, et de nous-même, n’est qu’une parcelle de cette entité protéiforme et complexe que l’on appelle un être humain !

La mise en abyme est donc impressionnante. Et passionnante…

Elle est surtout indispensable, car la décennie qui se profile devant nous sera essentielle. La période allant de 2011 à 2020 nous permettra :

–          soit d’infléchir enfin notre folle course vers les tragédies énergétiques, climatiques et humaines que nous façonnons avec une précipitation coupable (l’un de nos précédents articles : « Le calendrier de l’Apocalypse » est particulièrement explicite…),

–          soit de cristalliser définitivement les crépuscules douloureux qui assombriront l’avenir de nos enfants.

Dans nos romans, comme dans « Les métamorphoses d’Eros », nous nous efforçons donc d’éveiller le dormeur qui gît en chacun de nous. Ceci passe par une farouche volonté de transgression positive. Car le progrès et les réalisations majeures ne sont possibles qu’avec une démarche délibérément transgressive.

Reliant la sensualité la plus débridée et une approche purement néoplatonicienne de la vie, l’étrange connivence que nous symbolisons tous les deux s’explique à cet instant.

Pour voir plus loin, plus large, plus profond, il faut préalablement s’être définitivement débarrassé des scories réductrices qui instrumentalisent l’existence et gangrènent notre imagination. Et ces scories portent des noms connus de tous : préjugés, racisme, hypocrisie, intolérance, frustrations… Toutes ces petitesses honteuses qui rassurent, tout en nous donnant illusoirement l’impression d’exister réellement.

Exister, c’est autre chose !

Exister en être responsable, c’est savoir se positionner à la confluence de ses propres émotions et de la grandeur du Monde. Comme le dit si bien Goethe, c’est conjuguer en soi « la grammaire mystérieuse qui décline pavot et roses »  (Le Livre du Paradis).

Paul Claudel est encore plus précis lorsqu’il affirme que : « pour connaître la rose, quelqu’un emploie la géométrie et un autre emploie le papillon » (L’oiseau noir dans le soleil levant).

La vision holistique du Monde que nous prônons dans nos ouvrages s’inspire du papillon.

Et nous revendiquons pleinement ce choix…

Article dans « Le Populaire du Centre »

 

Oksana & Gil Prou au Festival de SF de Bagneux en 2010

Limousin d’adoption et ancien cadre supérieur à la FNAC, Gil Prou écrit avec Oksana des oeuvres de science-fiction.

Lui, 61 ans, a été enseignant et surtout cadre à la FNAC. Elle, 28 ans, est actrice de cinéma pornographique. Improbable tandem, qui pourtant fonctionne, témoin son travail d’écriture.

Gil Prou, Parisien pur jus, est venu vivre en Haute-Vienne voici deux ans. Et comme il s’y sent bien, il n’a pas l’intention de repartir. Passionné depuis toujours par – entre autres ! – la cosmologie, la physique fondamentale, les « littératures de l’imaginaire » – comme il les appelle – il rencontre Oksana par le biais d’une connaissance commune et sympathisent.

Et, surtout, tous deux se découvrent des centres d’intérêt commun, dont l’Egyptologie.

Du coup, à partir de 2007, les voilà qui se mettent à écrire à quatre mains un roman de science-fiction, empreint de poésie et de philosophie et dont l’intrigue se déroule sur… trois millions d’années !

« Cathédrales de brume« , préfacé par le réputé astrophysicien Jean-Pierre Luminet, est accepté par l’éditeur Rivière Blanche (492 pages, 28,50 euros) : http://www.riviereblanche.com/cathedrales.htm  

Séduit, le musicien David Sabre, qui porte le projet Dawn & Dusk Entwined (dark ambient) a crée une ambiance sonore collant à l’ouvrage et édité un CD : http://www.myspace.com/cathedralesdebrume

Encouragé par de bonnes critiques, nos deux compères ont récidivé cette année en publiant un thriller d’anticipation chez Interkeltia, « Katharsis » (400 pages, 16,50 euros), récit à suspense dans lequel une mystérieuse organisation menace de faire disparaître l’humanité. Il est préfacé par le philosophe et naturaliste Yves Paccalet : http://www.interkeltia.com/Fiches-livres/f-katharsis.htm

Ils ont également écrit une nouvelle pour une anthologie baptisée « De capes et d’esprits« , qui sortira cet hiver chez Rivière Blanche, et viennent de terminer un essai, « Les métamorphoses d’Eros« , qui « met en lumière le concept de « vision holistique du monde » », précise Oksana.

Ce n’est pas tout : le duo assure que le réalisateur Jan Kounen (« Doberman« , « Blueberry« , « 99 francs« ) a entre les mains leur propre scénario de « Cathédrales de Brumes » et se montre intéressé.

Toujours à propos de « Cathédrales… », des tomes 2 et 3 sont en projet. Attendus impatiemment par leurs fans !

Le lien vers l’article : http://www.lepopulaire.fr/editions_locales/limoges/le_decapant_duo_de_la_sf@CARGNjFdJSsGExIDChk-.html

Altocumulus lenticularis : un parfum d’étrangeté…

Nuages lenticulaires recouvrant une montagne

« J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… »  – Baudelaire (L’étranger)

Exceptionnellement, cet article comportera peu de texte et de nombreuses photos.

Nous le consacrons à une catégorie de nuages étranges qui font rêver les hommes depuis les temps les plus reculés. Avant, ils impressionnaient et pouvaient donner l’impression d’être annonciateur de catastrophes futures. Actuellement, certains imaginent une symbolique liée à la présence discrète d’extraterrestres…

La réalité est beaucoup plus simple, mais la magie esthétique demeure.

Nous parlons ici des Altocumulus lenticularis, plus connus sous le nom de « nuages lenticulaires ». Ce sont en fait des formations nuageuses de forme ronde ou ovoïde, apparaissant en moyenne et haute altitude (à partir de 2 000 mètres).

Dans certains cas, ils peuvent présenter des formes plus originales : allongés, ondulés ou superposés.

Les nuages lenticulaires marquent la présence d’une onde stationnaire, c’est à dire de courants aériens adoptant un profil ondulatoire sinusoïdal. Une telle onde peut être créée quand deux masses d’air se rencontrent, obligeant l’une des deux à passer au dessus de l’autre. Elle peut aussi se former lorsque les courants aériens rencontrent un relief et sont obligés de s’élever. On parle alors d’ « onde orographique ».

Les caractéristiques de l’onde stationnaire dépendent de la vitesse du vent, des variations de relief, de la pression, de la température.

Les nuages lenticulaires se forment lorsque la masse d’air attaque la partie ascendante de l’onde sinusoïdale : elle se refroidit et la vapeur d’eau qu’elle contient se condense. Puis la masse d’air attaque la partie descendante : elle se réchauffe alors, ce qui provoque l’évaporation des gouttelettes d’eau. Les nuages lenticulaires apparaissent donc au sommet des ondes. Ils apparaissent du côté ascendant de l’onde et se défont du côté descendant, ce qui donne l’impression qu’ils sont immobiles. Et ceci même par vents forts.

À l’inverse des autres nuages, ils ne se déplacent pas avec les courants aériens. Dans le cas d’une onde orographique, les nuages lenticulaires apparaissent principalement au dessus des sommets montagneux et sont parallèles aux variations de relief. Ils peuvent même continuer à se former bien après la fin du relief, alors que le terrain est redevenu plat, dans la mesure où les masses d’air une fois déformées conservent leur profil ondulatoire sur de longues distances.

Les quelques photos ci-dessous seront beaucoup plus évocatrices qu’un long discours…

L’article se poursuit juste après.

Ces nuages apparaissent donc stationnaires, mais l’air et l’eau qu’ils contiennent sont en perpétuel renouvellement. Un exemple célèbre est « l’âne du Mont Blanc« , nuage lenticulaire qui coiffe fréquemment le Mont Blanc. Un autre est la « nappe » de la montagne de la Table, à côté de la ville du Cap, en Afrique du Sud. Près des côtes en effet, surtout lorsqu’elles présentent un certain relief, les vents en provenance de la mer sont forcés à monter et il se produit des ondes -utilisées par les adeptes du vol stationnaire et par les mouettes- qui peuvent donner lieu à des nuages d’ondes.

Or, en montagne, les ondes formées sur les reliefs ne se limitent pas à l’onde située juste au-dessus du sommet d’une montagne. Un « train d’ondes » se forme alors et il peut donner lieu à une série de nuages lenticulaires au sommet de chaque onde.

Les nuages lenticulaires présentent généralement un aspect très compact, ce qui peut donner l’impression s’ils sont observés de loin, qu’ils sont constitués de matière solide. Suivant la façon dont ils sont éclairés par les rayons du soleil, ils présentent également des colorations variées et parfois très vives (orange, rose, rouge, violet).

L’explication froidement scientifique nuit bien évidemment à la poésie et au pouvoir fantasmatique de ces étranges concrétions nuageuses.

Mais la vision de ces masses floconneuses aux formes hallucinées et à la placidité trompeuse nous conduit encore à nous émerveiller face aux fastes de la Nature.

Des moments rares. De plus en plus rares…

Interview pour le site « La vie littéraire »

Oksana & Gil Prou

Entretien avec Gil Prou et Oksana autour de leur roman Katharsis

par Matthieu Baumier et Gwen Garnier-Duguy

LVL : Gil Prou et Oksana, vous venez de signer, après votre space opéra métaphysico-planant « Cathédrales de brumes« , un deuxième roman troublant de prophétisme, « Katharsis« , dans lequel des idéalistes intraitables meurtris par ce que l’homme inflige à la race humaine et à la Terre menacent les dirigeants du monde de faire sauter la planète s’ils ne changent pas l’économie de la manière de vivre humaine. Ces éco-terroristes se sont appropriés des missiles nucléaires, qu’ils menacent de faire sauter dans des giga volcans. Première question, Gil et Oksana : le réveil du volcan islandais qui a paralysé l’Europe, c’était vous ?

O & G : Bien sûr ! Plus sérieusement, nous nous sommes posé la même question en constatant l’étrange parallèle existant entre certains éléments de notre fiction et l’actualité la plus récente. En fait, en écrivant Katharsis nous avons souhaité mettre en lumière une réalité -l’existence de plusieurs supervolcans tapis dans l’écorce terrestre depuis plusieurs millions d’années- qui constituent la plus effroyable menace « naturelle » susceptible d’anéantir la civilisation humaine en provoquant un long hiver volcanique. Selon la puissance de l’éruption, cet « hiver » durerait quelques années ou… quelques siècles ! Le hasard fait que cette problématique se nourrit de l’actualité, même si le « petit » volcan islandais représente moins d’un dix millième de la puissance réelle d’un supervolcan tel que celui de Yellowstone ou celui du lac Toba. L’actualité récente confère par ailleurs un caractère prémonitoire à notre thriller. On y retrouve en effet les effets désastreux de l’éruption d’un volcan, mais aussi le constat des échecs des gouvernants du monde lorsqu’il faut prendre des décisions qui engagent l’avenir. On découvre aussi une similitude avec le Sommet de Washington qui met en lumière le risque d’une appropriation de l’arme nucléaire par des terroristes. Enfin, nous programmons la première mission habitée pour Mars en 2033 et Obama évoque l’horizon 2035. On devrait peut-être jouer au loto !

LVL : Votre roman, bien rythmé, haletant, est toutefois extrêmement noir.
L’échec du Grenelle de l’environnement, l’échec du Sommet de Copenhague, l’échec de la Conférence de Doha ne sont certes pas là pour nous rassurer quant à vos prévisions. Votre démarche littéraire est-elle désespérée, nihiliste, ou croit-elle qu’il y a un salut par le Verbe ?

O & G : Notre démarche est tout simplement lucide. Nous serons 9 milliards d’êtres humains en 2050 et nous n’avons nullement l’intention d’endiguer nos suicidaires appétits de consommation. Tous les signaux sont au rouge : on vient d’apprendre par les spécialistes des Nations Unies que les réserves de poissons auront disparues en 2050 si on ne régule pas drastiquement la pêche mondiale… Dans l’état actuel des choses -et les échecs récurrents de tous les sommets visant à enrayer ce processus dément le prouvent- la catastrophe écologique, climatique et sociale est inévitable. N’oublions pas ce chiffre simple et atroce : en 2010, un enfant meure toutes les 5 secondes par manque d’eau ou en raison d’une eau impropre à la consommation… Mais on parle de quoi sur Facebook et dans les journaux télévisés ? De niaiseries politiques ou sportives, mais presque jamais de ces enfants qui meurent chaque jour. Que se passera-t-il lorsque la population humaine aura augmentée de 40% (c’est-à-dire demain) et lorsque nos appétits de consommation auront augmenté de 100% ?

LVL : Votre roman a quelques précédents dans le genre, notamment l’excellent « En direct » de Spinrad. Pensez-vous que « la conscience verte » sera le prochain fascisme ?

O & G : La situation environnementale et sociale deviendra de plus en plus difficile et l’avenir de nos enfants s’obscurcira. Tout ceci génèrera naturellement des révoltes et la radicalisation d’une forme outrée de l’écologie : l’écoterrorisme est une des réalités de demain. Tout le monde le sait et nous avons simplement précipité ce phénomène dans notre thriller…

LVL : Votre roman s’ouvre par une citation de René Char : « L’Homme fut sûrement le voeu le plus fou des ténèbres« . Cet aphorisme est extrait des « Feuillets d’Hypnos« , livre « écrit » pendant l’Occupation, alors que Char était résistant et maquisard, donc au noir d’une période historique très menaçante. Sommes-nous à l’équivalent historique d’une menace capitale, pour que vous repreniez ainsi la lignée de Char ?

O & G : Si l’on considère que la possible généralisation de conflits pour l’accession à l’eau et à la nourriture est une situation dramatique et une menace capitale pour l’humanité (ce qui est notre cas), le parallèle est pleinement justifié.

LVL : Char écrivit aussi « A chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir« . La salve d’avenir, votre roman ne semble pas y croire, mais vous, comment le voyez-vous ?

O & G : Si les femmes avaient simplement -et dans tous les pays du monde- le choix d’avoir ou non un enfant, sans contrainte, sans jugement, un véritable espoir poindrait à l’horizon. Mais si nous sommes condamnés à être neuf milliards de fournis laborieuses et consommatrices de ressources en 2050, il n’y aura pas de « salve d’avenir ». Nous n’avons qu’une seule Terre… Et nous l’a tuons.

LVL : Yves Paccalet préface votre beau roman. Auteur du provocant « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! », il semble être la plume indiquée pour introduire votre roman. Des vues communes avec lui ?

O & G : Innombrables ! Yves est devenu un ami et discuter avec lui est un plaisir sans borne. Que ce soit dans ces ouvrages coécrit avec le Commandant Cousteau ou dans ces essais les plus récents, il dit tout haut ce que la plupart des spécialistes honnêtes pensent tout bas. Pour être francs, lorsqu’il écrivit « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! » en 2005 et lorsque nous avons écrit la première version de « Katharsis » en 2007, nous pensions tous les trois avoir un peu « grossit le trait ». Lorsque nous évoquons cette problématique ensemble en 2010, nous pensons, au contraire, être un peu en retrait par rapport aux catastrophes climatiques, environnementales et humaines que nous alimentons tous ensemble…

LVL : La dernière phrase de votre roman est proprement sublime. Elle fait référence à Chrétien de Troyes (le moment ou le jeune Perceval contemple le sang sur la neige, symboles qui mettent le héros en marche vers sa quête intérieure de pureté et de grandeur humaine), au Giono de « Un roi sans divertissement« , où le thème du sang dans la neige est également très marqué. Est-ce là, silencieuse, la parole discrètement charrieuse d’espérance en l’Homme ?

O & G : Le sang sur la neige… La pureté et la mort mêlées après le « dernier cri du dernier des humains » (Vigny). C’est une image poétique, mais c’est aussi un symbole fort. Or tout est symbole.

LVL : Vous travaillez à un nouveau roman ?

O & G : Nous commençons l’écriture simultanée de deux nouveaux romans. Le premier se déroulera au VIe siècle avant J. C. et le second 3 500 ans plus tard. Nous ne risquons donc nullement de confondre les intrigues et les personnages…

Oksana & Gil Prou le 20 Mai 2010

Lien : http://www.lavielitteraire.fr/index.php/katharsis-entretien

Lien vers notre précédente interview : http://www.lavielitteraire.fr/index.php/gil-prou-et-oksana-entretien