Protéiformes et dantesques : les « sphères de Dyson »…

Des structures colossales dérivant dans l'espace et s'alimentant de l'énergie provenant d'une ou plusieurs étoiles

Dans un article récent nous avions mis en lumière la possible existence d’entités étranges : les « cerveaux de Boltzmann ». Ces derniers sont le fruit d’une hypothèse qui prédit que les fluctuations de l’énergie du vide pourraient faire apparaître de façon aléatoire des « observateurs » dits Boltzmann Brains, lesquels pourraient venir en concurrence avec les observateurs humains dans l’observation de l’univers. Un « cerveau de Boltzmann » serait donc une entité consciente née d’une fluctuation aléatoire provenant d’un état fondamental de chaos thermique.

Nous abordons aujourd’hui une autre hypothèse mettant en œuvre des structures extrêmement complexes et sophistiquées : les « sphères de Dyson »…

En 1960, l’astronome Freeman Dyson publie l’article « Search for Artificial Stellar Sources of Infrared Radiation » dans la revue Science. Dyson suggère qu’une civilisation extraterrestre très avancée utiliserait le maximum d’énergie émise par son soleil. Dans ces conditions, Dyson propose de rechercher la présence de telles structures artificielles pour traquer l’existence d’extra-terrestres. Il s’inspire pour cela du roman de science-fiction « Star Maker » d’Olaf Stapledon.

Nous rappelons à cet instant que de nombreux commentateurs de notre premier roman : « Cathédrales de brume » établirent une vraie parenté entre les univers conçus par notre héros principal (Amaranth heliaktor) avec ceux décrits par Stapledon…

Pour en revenir à l’hypothèse de départ, une étoile encapuchonnée par une sphère artificielle serait très peu lumineuse, mais émettrait une très forte radiation infrarouge, provenant de la sphère de Dyson elle-même.

Or, plus une civilisation progresse, plus ses besoins énergétiques croissent. Nous sommes bien placés pour le savoir !

Pour une race extraterrestre ayant dépassé le potentiel énergétique de sa planète nourricière (là encore, cette problématique résonne crûment à nos oreilles…), son étoile devient alors une nouvelle source d’intérêt. Chaque soleil similaire au nôtre dégage énormément d’énergie dans l’espace, dont une très grande part pourrait être récupérée par un ensemble de collecteurs solaires répartis autour de l’étoile.

Une telle structure permettrait à une civilisation ingénieuse de se développer durablement sans se soucier des ressources spécifiques à sa planète d’origine. C’est ce que l’on appelle « sphère de Dyson ».

Selon la théorie, il existe trois grands types de sphères de Dyson.

Celles de type I ne couvriraient pas totalement leur étoile (on parle alors d’essaims de Dyson) et se comporteraient comme des réseaux de collecteurs en orbite. Indépendants ou en groupes denses, ils pourraient ainsi récolter l’énergie solaire et faire vivre des stations spatiales. C’est actuellement le type de sphère le plus réaliste pour un type de civilisation comme la nôtre. A condition -bien sûr- d’avoir préalablement validé le principe d’une véritable gouvernance mondiale pérenne et non assujettie aux caprices et aux egos de nos dirigeants…

Les « sphères de Dyson » de type II (on parle alors de coquille de Dyson) engloberaient dans une structure rigide quasiment toute la surface sphérique autour de l’étoile tutélaire. Elle cacherait ainsi sensiblement sa luminosité et pourrait même être aménagée à sa surface.

Pour simplifier, imaginons que la sphère soit placée à une distance égale à la distance Terre-Soleil et qu’elle soit dotée, à sa surface, de multiples biosphères et stations spatiales autoalimentées par l’énergie solaire collectée par la sphère… On peut aussi imaginer une coquille de Dyson couverte d’une épaisse atmosphère, et abritant des continents et des océans. Dans ce cas, le rayon de cette « coquille » serait égal à 150 millions de kilomètres !

Mise en rotation, la coquille de Dyson pourrait créer une pseudo-gravité par force centrifuge au niveau de son équateur. Toutefois, les forces de tension, effets de marée et contraintes mécaniques créés par l’étoile la rendraient instable. Une sphère de Dyson étant creuse, elle ne peut pas créer de force gravitationnelle uniforme vers sa face interne. L’atmosphère, les continents et les océans tomberaient donc vers le soleil ! Dans cette perspective, il faudrait alors disposer la biosphère sur la face extérieure, et s’arranger pour que l’énergie collectée puisse également servir à éclairer la phase obscure.

Il resterait encore l’épineux problème lié à une très faible gravité Il faudrait donc considérablement accroître la pression atmosphérique pour compenser la faible gravité. La mission n’est donc nullement impossible, mais le travail est colossal et outrepasse totalement nos capacités actuelles…

Plus sophistiquées encore, les « sphères de Dyson » de type III (on parle alors de bulles de Dyson) seraient constituées de statites (mot juxtaposant statique et satellite) : des satellites suspendus à d’énormes voiles solaires et « flottant » grâce à la pression des radiations solaires afin de ne pas être soumis à la force gravitationnelle de l’étoile. Un statite devrait avoir une densité de l’ordre de 0,75 g/m² afin de voguer à une distance égale à celle séparant notre Terre du soleil. Cette méthode a l’avantage de nécessiter beaucoup moins de matière, mais les meilleurs matériaux actuels à base de fibres de carbone atteignent les 3 g/m². On est donc très loin du compte…

Nébuleuse galactique ou sphère de Dyson ?

Au niveau des principes généraux nécessaires à la construction de ces gigantesques « sphères », une étoile contenue dans une sphère de Dyson ne serait pas directement visible de l’univers extérieur car la structure artificielle l’entourant la dissimulerait totalement (au moins dans l’hypothèse de type II). Toutefois, la sphère de Dyson émettrait elle-même une quantité équivalente d’énergie sous forme de lumière infrarouge à cause de la transformation du rayonnement de l’étoile en chaleur. De plus, comme les sphères de Dyson seraient composées de matière solide au lieu de gaz chauds, le spectre d’émission de la sphère de Dyson ressemblerait plus au spectre d’un corps noir qu’à celui d’une étoile ordinaire.

Pour augmenter le gradient de température l’efficacité du processus de récupération d’énergie, les astucieux « architectes cosmiques » pourraient réfléchir la lumière de la surface intérieure de la sphère vers certaines zones de sa surface extérieure. Par ailleurs, une structure de ce type modifierait les caractéristiques spectrales propres de l’astre central car elle renverrait du rayonnement vers l’étoile…

Naturellement, cette séduisante hypothèse titille immédiatement l’imagination de tout romancier de science-fiction (ce fut déjà le cas pour L. Niven avec « L’anneau-monde », L. Genefort avec « Le cycle d’Omale » ou J. M. Aguilera avec « Mondes et démons » par exemple). Pour ceux qui -comme nous- écrivent à quatre mains, cette théorie décuple encore la créativité et le pouvoir fantasmatique…

On peut ainsi concevoir des « sphères de Dyson » qui ne se contentent pas de capturer toute l’énergie d’une étoile « normale » comme notre soleil, mais on peut imaginer le même principe organisé autour d’une géante bleue (comme Rigel par exemple), mais aussi autour d’un système double, voire d’un… trou noir !

On se prend à rêver en observant une structure domptant l’énergie cannibalisée par un trou noir et qui permettrait peut-être alors de franchir ces « portes d’abîme » permettant de relier deux points très distants de notre univers en un millième de seconde…

On peut même concevoir une « sphère de Dyson » englobant une galaxie elliptique en se nourrissant de l’énergie de ses centaines de milliards de soleils !

On peut aussi utiliser les fantastiques propriétés de la gravitation quantique (que ce soit par le biais de la Théorie des cordes ou de la Gravitation quantique à boucles) afin d’optimiser encore ces « archipels cosmiques » en leur conférant un statut énergétique et gravitationnel qui les métamorphose en univers en miniature.

Sachant que nos instruments d’investigations spatiaux décryptent moins de 5% de l’ensemble de notre univers, les potentialités réelles des « sphères de Dyson » sont donc presque infinies.

Or seul la compréhension de l’infini donne son vrai sens à la vie. Avec la mort…

Olaf Stapledon et « Cathédrales de brume »…

 

L'univers flamboyant...

Les premières personnes qui purent lire « Cathédrales de brume » -notre éditeur et l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet par exemple- résumèrent rapidement notre roman en précisant que son intrigue était originale et différait totalement des critères habituels propres à la science-fiction.

Cette analyse semble être corroborée par celles et ceux qui, depuis, ont lu « Cathédrales de brume ».

Naturellement, chacun essaie de faire des rapprochements avec d’autres auteurs. Logique…

Etrangement, l’unanimité s’est presque systématiquement faite autour d’un nom : Olaf Stapledon !

Comme nous ne connaissions ce romancier anglais que par son patronyme et non par son oeuvre, nous avons cherché à en savoir un peu plus sur cet écrivain dont le nom revient systématiquement lorsque l’on évoque l’intrigue et les atmosphères fantasmagoriques de « Cathédrales de brume ».

Voilà donc quelques informations prélevées sur wikipedia.

« William Olaf Stapledon (né le 10 mai 1886 près de Liverpool, décédé le 6 septembre 1950), était un philosophe anglais et un auteur de romans de science-fiction visionnaire ayant esquissé nombre de thèmes classiques explorés par la science-fiction du XXe siècle.

William Olaf Stapledon naquit en 1886 à Poulton-cum-Seacombe, dans le Cheshire, sur la péninsule de Wirral, non loin de Liverpool en Grande-Bretagne. Il commença ses études à la Abbotsholme School, puis au Balliol College d’Oxford, où il obtint un diplôme d’histoire moderne en 1909 et un master en 1913.

Après une courte période d’enseignement à la Grammar School de Manchester, il travailla dans les transports maritimes entre Liverpool et Port Saïd, de 1910 à 1913.

Pendant la Première Guerre mondiale, il servit dans la Friends’ Ambulance Unit en France et en Belgique, de juillet 1915 à janvier 1919. Le 16 juillet 1919, il épousa Agnes Zena Miller (1894-1984), une cousine australienne vivant à Sydney. Agnes lui donna une fille, Mary Sydney Stapledon (1920-), et un fils, John David Stapledon (1923-).

En 1925 Stapledon obtint un doctorat de philosophie à l’Université de Liverpool. Il écrivit à cette époque une Modern Theory of Ethics (Théorie moderne de l’éthique) qui fut publiée en 1929. Cependant, il se tourna rapidement vers la fiction pour présenter ses idées au grand public.

Son roman Last and First Men (Les premiers et les derniers) connut un grand succès, ce qui le convainquit de se consacrer pleinement à l’écriture. Il écrivit une suite et de nombreux autres romans associés au mouvement appelés aujourd’hui le transhumanisme.

A partir de 1945, Stapledon fit de grandes tournées pour présenter son œuvre, visitant les Pays-Bas, la Suède et la France. En 1948, il fit une conférence au Congrès des intellectuels pour la paix à Wrocław, en Pologne. Il participa à la Conférence pour la paix mondiale qui se tenait à New York en 1949 comme seul citoyen britannique auquel fut accordé un visa pour participer à cette rencontre.

En 1950, il s’impliqua dans le mouvement anti-apartheid. Après avoir passé une semaine à Paris, il rentra chez lui à Caldy où il mourut soudainement d’une attaque cardiaque.

Son œuvre influença directement des auteurs comme Arthur C. Clarke, Brian Aldiss, Stanisław Lem et John Maynard Smith et indirectement un grand nombre d’autres auteurs, fournissant une large contribution d’idées nouvelles au genre de la science-fiction (la plupart d’entre elles étant inspirées de lectures philosophiques).

Son idée d’empires englobant plusieurs galaxies inspira de nombreux auteurs de science-fiction comme Edward Elmer Smith, Alfred Elton van Vogt ou Isaac Asimov.

Bien que son œuvre ait été écrite avant l’apparition du mouvement appelé « transhumanisme » (1966), les thèmes de la condition transhumaine et du super-esprit composé de nombreuses consciences individuelles sont des thèmes récurrents dans son œuvre.

Son roman intitulé Créateur d’étoiles (Star Maker) contient même la première description connue de la célèbre sphère de Dyson. Freeman Dyson déclara que ce fut le roman qui lui en fournit l’idée première. Les derniers et les premiers (Last and First Men) propose également une description d’ingénierie génétique et de terraformation.

Son roman Sirius décrit également un chien dont l’intelligence égale celle d’un être humain, comme plus tard dans Demain les chiens de Clifford D. Simak.

Ce dernier roman fut tout d’abord refusé par son éditeur à cause de quelques scènes sexuellement explicites.

Ses œuvres de fiction représentent souvent une quelconque intelligence écrasée par un univers totalement indifférent. Ses romans présentent souvent des protagonistes tourmentés par le conflit entre leurs bas instincts et leurs hautes aspirations.

Les romans Les derniers et les premiers (Last and First Men, une histoire anticipée de l’humanité) et Créateur d’étoiles (Star Maker, une histoire esquissée de l’univers) en particulier furent encensés par des personnages aussi divers que J. B. Priestley, Virginia Woolf et Winston Churchill.

Leur philosophie rebuta en revanche C. S. Lewis, dont la Cosmic Trilogy fut écrite en réponse à l’amoralité qu’il percevait dans les romans de Stapledon. En fait, Stapledon était agnostique et hostile aux institutions religieuses, mais non aux aspirations religieuses, ce qui lui valut quelques différends avec H. G. Wells tout au long de leur correspondance.

Olaf Stapledon et son plus célèbre roman

Aucun de ses romans ou aucune de ses nouvelles n’ont été portés à l’écran, bien que George Pal acheta les droits pour Odd John (un roman qui propose l’arrivée de mutants supérieurs à l’homme qui remettent en cause les valeurs culturelles de l’humanité). Mais l’œuvre de William Olaf Stapledon semble trop diffuse et trop complexe pour permettre une adaptation cinématographique ».

Ce résumé de la vie et de l’œuvre d’Olaf Stapledon nous explique mieux le rapprochement, a priori incongru, que la majorité de nos lecteurs fait entre les univers d’Olaf Stapledon et ceux de « Cathédrales de brume ».

Nous laisserons donc à nos futurs lecteurs le soin de se faire leur propre opinion. Mais il est exact que les notions de philosophie (néoplatonicienne en ce qui nous concerne), de sensualité et de totale ouverture aux autres (même s’ils sont fondamentalement différents…) s’harmonisent parfaitement avec nos objectifs littéraires.

Et comme notre second roman : « Katharsis » met en exergue une vision holistique du Monde, des autres et de soi-même qui aurait probablement séduit Olaf Stapledon, cette logique perdurera longtemps encore…

Chronique de Cathédrales de brume sur Wagoo

 

Parution osée pour Rivière blanche que ce copieux roman, co-signé par un ancien patron de la FNAC et une star du cinéma porno, tous deux passionnés entre autres d’égyptologie. D’autant qu’il ne s’agit là que du premier volet d’une trilogie.

Et pourtant, alors qu’il aurait été tellement prévisible de voir déclinées des scènes de sexe sous divers angles, Cathédrales de brume fait le choix d’une science-fiction ambitieuse, tendant plutôt vers la hard SF, privilégiant une écriture précieuse, voire ampoulée. On aurait toutefois aimé savoir quelles étaient les contributions respectives de chacun des auteurs, de quelle manière le travail d’écriture s’était déroulé.

Le principal protagoniste, Amaranth Heliaktor, est un voyageur du XXVème siècle qui se retrouve, suite à la destruction du vaisseau qui le transportait, isolé dans une navette de survie. Le hic, c’est qu’il est contraint à l’immobilité physique au cœur d’un sarcophage, maintenu en vie par des nano-machines et un sérum de survie contenu en doses quasiment infinies, lui assurant une espérance de vie d’une dizaine de millions d’années. Il n’est d’ailleurs pas totalement seul, puisqu’une intelligence artificielle, à la durée de vie plus réduite, l’accompagne.

 Menacé de sombrer dans la folie, Amaranth s’efforce de survivre intellectuellement en imaginant des cathédrales de brume, autrement dit en s’efforçant de reconstituer scènes de sa vie passée, œuvres d’art ou paysages grandioses, au plus près de la réalité. On peut voir là comme une ode à la beauté artistique, esthétique au sens large, d’autant que les visions dantesques, plus hautes en couleurs les unes que les autres, sont fréquentes.

Le risque, s’enfermer dans une vision autocentrée en privilégiant les souvenirs d’Amaranth, qui cherche un refuge à la folie au sein de lui-même, est globalement évité grâce à un dépassement des seules perspectives nombrilistes. D’abord en élargissant le propos à la réflexion philosophique sur la nature de l’univers, avec le concours d’Héraclite, excusez du peu, parmi une copieuse galerie de personnages tirés de l’Histoire. Ensuite parce que les cathédrales de brume du duo sont sujettes à des parasitages non identifiés en provenance de l’extérieur, et surtout qu’elles fusionnent peu à peu avec le réel.

Il faut dire qu’une énigme subsiste : pourquoi le navire de survie d’Amaranth s’est-il retrouvé chargé de la totalité des réserves de liquide d’immortalité, et pourquoi les trois places normalement prévues n’ont-elles pas été occupées ?

En fait, c’est à une vaste odyssée, proche de celle du Créateur d’étoiles d’Olaf Stapledon, emplie de vie extra-terrestre, que les deux auteurs nous invitent, une quête baroque, constituée surtout de dialogues et de descriptions ayant pour thème le sens de la vie dans une perspective à la dimension cosmique.

Parmi de multiples élaborations, on retiendra en particulier les Daëdalus, forme de vie quasiment immortelle, n’ayant nulle pulsion de violence ni nécessité de s’alimenter, et vivant dans cinq dimensions spatiales et deux dimensions temporelles. Cathédrales de brume a toutefois tendance à plusieurs reprises à verser dans une démarche esthétisante systématique apparaissant surjouée, excessive , voire fort peu crédible (ces animaux préhistoriques capables de communiquer par le langage humain), générant à l’occasion une certaine lassitude.

 Heureusement, l’intérêt est alors relancé, le plus souvent par une rencontre dans l’espace réel. Le roman est donc de ceux qui susciteront rejet ou enthousiasme.

Pour l’heure, notre préférence penche clairement du côté du second terme.

Samedi 12 Décembre par Maestro

Editions Rivière blanche