Katharsis : la première revendication des écoterroristes

 

Le point de départ de l’intrigue de « Katharsis » s’inscrit dans un rêve qui taraude une vingtaine d’hommes et de femmes prêts à commettre l’irréparable afin de sauver l’humanité face à ses démons.

Nous sommes en 2033 et les moyens de communication électroniques sont omniprésents. C’est pour cette raison que les revendications des écoterroristes arrivent aux Nations Unies et aux grands médias mondiaux… par courrier !

Voilà les premières lignes du communiqué qui alimentera l’effroi pendant un long compte-à-rebours de 18 jours :

« L’Homme a failli à sa mission !

S’étant arrogé tous les pouvoirs sur Terre, il devait protéger sa propre espèce, la planète qui le nourrit et tous les êtres qu’elle abrite.

Il n’en est rien. L’être humain démontre chaque jour un peu plus qu’il se complaît dans une démarche suicidaire et aveugle.

Ne respectant ni les autres hommes, ni son environnement, il met délibérément en péril l’équilibre de la Nature en niant obstinément les fondements même de son existence sur Terre : la fraternité, le respect des autres et de soi-même, l’altruisme et la précellence absolue de l’Amour. 

Détruisant les ressources de la planète, anéantissant les forêts tropicales, polluant chaque jour un peu plus les océans et l’atmosphère, l’Homme a initié le plus invraisemblable suicide collectif qui soit.

Ceci doit cesser !

Dans certaines religions on prétend que Dieu a créé le Monde en six jours.

Notre association -elle s’appelle aujourd’hui « Katharsis », mais nous lui donnons un nom différent chaque jour- accorde trois fois plus de temps à l’humanité et à ses dirigeants pour se reprendre et reconstruire un monde plus équitable et plus harmonieux.

18 jours… pas un de plus !

Si les trois revendications que nous résumons ci-dessous ne sont pas validées par les dirigeants de tous les pays du monde dans le cadre solennel d’une Assemblée Générale des Nations Unies, nous mettrons en œuvre une mesure de rétorsion exceptionnelle par son ampleur et sa gravité.

Cette sanction sera si terrifiante, si définitive, que la civilisation basculera dans le chaos en quelques semaines. »

Un peu plus loin, l’organisation écoterroriste égrène ses trois requêtes qui effareront huit milliards de terriens simultanément incrédules et inquiets. Voilà la première :

« Nos revendications sont au nombre de trois. 

Les deux premières concernent le respect de la planète. La dernière concerne le respect de la personne humaine. Les 8 milliards d’habitants qui s’entassent actuellement sur la poubelle insalubre que l’on s’obstine à nommer Terre, conviendront aisément que ces doléances constituent un strict minimum.

En conséquence, nous exigeons qu’un engagement définitif soit pris afin de diminuer de 50% les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Cette décision doit être confirmée dans un délai de 18 jours. Elle devra être scrupuleusement respectée à travers des actions concrètes, opérationnelles et vérifiables. Toute fourberie de la part des décideurs concernés sera cruellement sanctionnée. En cas d’acceptation de la part des gouvernants de tous les pays du monde et des principaux décideurs économiques, notre menace restera active.

Toute trahison ultérieure provoquera l’Apocalypse.

Les Protocoles de Kyoto, de Perth et de Vancouver, ont démontré l’inanité des efforts visant à diminuer l’accroissement de l’effet de serre dont nous sommes tous les responsables directs.

La situation est catastrophique et les prévisions pour la fin du siècle sont affolantes.

On évoque désormais des augmentations de la température moyenne de l’atmosphère pouvant frôler les 10° entre le début du XXIe siècle et 2100. En conséquence, un reflux de 15 ou 25% des émissions de gaz à effet de serre ne suffirait nullement à endiguer le processus entamé depuis quelques décennies.

Une diminution de 50% constitue donc un strict minimum. Afin de conforter notre propos et la légitimité de nos exigences, nous donnerons ici deux exemples qui se suffisent à eux-mêmes. »

Sans aller plus loin, on peut affirmer qu’une diminution de 50% des émissions de gaz à effet de serre sera très prochainement nécessaire si l’on souhaite enrayer les effets désastreux du réchauffement climatique.

Rappelons ici que ces gaz à effet de serre sont des composés gazeux (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, ozone et certains gaz fluorés) qui absorbent le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre. Comme ils confinent une partie de la chaleur issue du soleil, ils provoquent un effet de serre salutaire. Il faut savoir que -sans gaz à effet de serre- la température annuelle moyenne à la surface de notre planète serait de… -18° !

Le problème ne réside donc nullement dans l’existence de gaz à effet de serre, mais dans celui de son accroissement irraisonné depuis les débuts de l’ère industrielle. Comme la plupart de ces gaz ont des durées de vie dans l’atmosphère comprise entre 120 et 50 000 ans, on comprend immédiatement qu’il n’y a que deux solutions pour enrayer ce processus létal à moyen terme :

–          absorber massivement les excédents de carbone,

–          produire moins de gaz à effet de serre.

La première solution semble être la plus naturelle (car elle existe depuis des millions d’années) et la moins pénalisante pour une humanité qui comptera bientôt neuf milliards d’habitants. Hélas, les deux « puits de carbone » les plus efficaces : les forêts et les océans vont progressivement être en panne.

Pour les forêts, c’est très simple. Le « poumon » de la planète (les forêts tropicales) est en train de disparaître sous nos yeux au profit de l’huile de palme et des plantes utilisées pour les agrocarburants qui symbolisent l’idée la plus absurde qui soit : détruire des millions d’hectares de forêts pour nourrir des millions de voitures alors que des millions d’êtres humains meurent de faim !

Pour les océans, c’est plus subtil car leur surface ne varie pas ; elle augmentera même avec la montée des eaux liée au réchauffement climatique. La difficulté réside dans le fait qu’un océan plus chaud de 1° perd environ 10% de sa capacité à jouer le rôle de « puits de carbone ».

La seule solution efficace est donc celle revendiquée par les écoterroristes de « Katharsis » : réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50%.

Cela signifie changer totalement notre façon de vivre.

Et c’est bien là le problème…

Le crépuscule des océans

Aujourd’hui nous réservons une large place à notre ami Yves Paccalet qui a rédigé la préface de notre thriller écologique : « Katharsis ».

Récemment, Yves vient de publier un nouvel ouvrage intitulé : « Les mots pour le pire – Dictionnaire énervé de l’écologie » aux Editions de l’Opportun. Vous trouverez ci-dessous deux articles extraits de ce dictionnaire. Ceux-ci sont consacrés à la triste destinée des baleines et des thons rouges.

Le sujet peut paraître anecdotique lorsque la majorité de nos concitoyens pensent « chômage », « retraite », « insécurité «  etc… Toutefois, et si on veut bien regarder un peu plus loin que le bout de notre nez, on doit admettre que les cris de colère d’Yves Paccalet et sa lucidité dérangeante sont fondés.

En 2010 -et les choses ne changeront pas en 2020 en 2030 ou en 2040…- nous sommes tous responsables d’une prédation infinie au sein d’un monde fini. Le cas de l’absurde pêche au thon rouge en symbolise un bon exemple. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait dix années d’études après le Bac pour réaliser que cette déréalisation de l’avenir est une faute grave, un suicide. Un échec.

Nous refusons systématiquement de croire ce que nous savons parfaitement et nos descendants les plus proches (les enfants de nos enfants) paieront très cher notre arrogance et notre aveuglement.

Yves essaie de nous dessiller.

Ecoutons-le et posons-nous les bonnes questions…

Voilà ces deux articles. Le premier est consacré aux baleines :

« Baleine

Mammifère marin et rêve gigantesque pour les enfants et les poètes. On peut vivre dans son ventre, comme le suggèrent les épisodes très véridiques du prophète Jonas avalé par le Léviathan (Bible, Livre de Job) ; de l’Histoire véritable du Grec Lucien de Samosate ; des voyages de Sindbad le Marin ; ou des Aventures de Pinocchio selon l’Italien Carlo Collodi.

Il existe dix espèces de baleines à fanons (ou mysticètes) : trois franches, la grise, la bleue, le rorqual commun, la baleine à bosse et trois rorquals plus petits, le boréal, le tropical et le museau-pointu. Toutes sont menacées, jadis et encore par le harponnage, mais aujourd’hui surtout par nos pollutions (chimiques, sonores…), par les hélices de bateaux et par les prélèvements excessifs de la pêche industrielle aux crevettes, harengs, capelans ou sardines. Le Japon, la Norvège et l’Islande tentent chaque année de remettre en cause les décisions protectrices de la Commission baleinière internationale (CBI). Ils n’hésitent pas, pour cela, à acheter les voix des pays pauvres. Ils continuent la traque aux petits rorquals en invoquant une hypocrite « clause scientifique ». Ils détournent la juste clause d’exemption aborigène. Ils pratiquent un braconnage éhonté en harponnant les espèces les plus menacées : ce forfait a été prouvé par des analyses génétiques effectuées sur de la viande de baleine achetée au marché aux poissons de Tokyo.

La baleine bleue, ou rorqual bleu, incarne le plus gros animal que la vie ait inventé sur notre planète : record de poids à 190 tonnes (une femelle harponnée en 1948) – deux fois et demie le plus gros dinosaure ; 30 mètres de longueur (trois autobus) ; une queue de 7 mètres d’envergure ; la langue comme un éléphant ; le cœur comme une voiture ; chez le mâle, les testicules pèsent un quintal et le pénis atteint 3 mètres…

Avant la tuerie décidée par les hommes (bateaux chasseurs rapides, canons lance-harpon, navires-usines), l’espèce comptait quelque 300 000 individus. Il en subsiste à peine 3 000 : 1 pour 100 de la population originelle… Quoique la chasse à ce colosse soit interdite dans toutes les mers depuis 1965, les effectifs stagnent. Pollutions, manque de nourriture, collisions avec des bateaux, mélancolie génésique… On songe au massacre de ces colosses dans la première moitié du XXe siècle. On se remémore ces vers que composa, en 1940, le poète chilien Samuel A. Lillo :

« Et sur la mer le sang s’étale

Comme un manteau de pourpre flottante… »

L’Homo n’est pas sapiens : il est destructor. Ou terminator. »

Et voilà le second consacré aux thons rouges:

« Thon rouge

Gros poisson qui fut à la fois une merveille de la mer et un délice dans nos assiettes, et qui n’existera bientôt plus. On estime que l’espèce (ou plutôt les trois qu’on nomme ainsi : Thunnus thynnus , T. maccoyii, T. orientalis) a perdu les trois quarts de ses effectifs en un demi-siècle. Et encore : en étant optimiste…

Ramdam à Marseille. Ce n’est pas la sardine qui bouche le Vieux Port : on ne voit presque plus de sardines en Méditerranée. Les responsables de ce tohu-bohu sont les thoniers. Ils conspuent Greenpeace et les « écolos irresponsables » qui clament cette vérité difficile à entendre : au rythme actuel de captures, les thons rouges auront bientôt disparu ; et que les thoniers seront foutus.

Paradoxe ! Ceux qui défendent le mieux les professionnels de la mer contre leur imprévoyance se font arroser, injurier, menacer, expulser. L’attitude des pêcheurs est à peu près aussi rationnelle que celle du patient qui étend d’un coup de poing le médecin qui lui annonce sa maladie et lui prescrit les remèdes.

Les pêcheurs refusent d’admettre qu’ils ont vidé la mer de ses richesses jusqu’aux abysses… Ils accusent les dauphins, les phoques, la pollution, le climat, les courants. Toutes choses et tout le monde, sauf eux-mêmes… Ils hurlent contre la « dictature » de l’Europe ou de la FAO. Mais c’est eux qui ont fait de la mer un désert…

Traqués par les flottes du monde entier, les thons rouges valent de plus en plus cher sur les marchés, parce que ce sont les derniers. On les prend jeunes et on les élève à la farine de poisson, pour les revendre une fortune au Japon. Les marins doivent vivre, bien sûr. Mais en refusant d’écouter les scientifiques, ils font penser à ces personnages des anciens dessins humoristiques, en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. Sauf que le gag ne fait plus rire personne…

Sans un sursaut de lucidité, le futur des thoniers est écrit. Leurs bateaux iront à la casse, et leurs enfants feront un autre métier.

Car, en boîte ou en sashimi, les derniers thons rouges sont déjà dans nos assiettes. »

Il n’y a rien à rajouter, car -si nous ne réagissons pas très rapidement- dans un siècle nos océans seront essentiellement peuplés d’algues et de méduses.

Une bien étrange version du Paradis…