Celles et ceux qui lisent régulièrement les articles de notre blog savent désormais que nous aimons gratter systématiquement la fine pellicule du visible afin d’explorer les méandres et les fastes de l’invisible.
Cette « manie » apparaît très clairement aussi dans nos romans…
Nous vous proposons aujourd’hui l’examen de deux créatures extrêmement étranges. Simultanément fascinantes et affolantes, elles confirment l’ahurissante gothicité de la Vie lorsque l’on prend la peine de regarder un peu plus loin que le bout de notre nez. Nous précisons que le descriptif de ces deux « charmantes » créatures s’inspire très largement du site Axolot (en référence à l’axolotl, un autre animal déroutant. Lui aussi…).
Examinons d’abord le cas du Leucochloridium paradoxum.
Derrière ce nom barbare se cache un ver parasite au cycle de vie hallucinant.
Les leucochloridium paradoxum ne peuvent se reproduire que dans le système digestif des oiseaux où ils atteignent leur forme adulte. Ils pondent alors des œufs, qui sont expulsés dans la nature avec les fientes de leur hôte. Une fois que les larves éclosent, leur seul problème est le suivant : « comment revenir à l’intérieur d’un oiseau ? ».
Pour y parvenir, elles suivent un plan particulièrement tordu. Et redoutablement efficace ! Tout d’abord, elles attendent qu’un escargot veuille bien consommer la déjection dans laquelle elles se trouvent. Une fois à l’intérieur du gastéropode, les larves remontent le système digestif de ce dernier pour aller se loger… dans ses yeux ! C’est alors qu’un phénomène impressionnant se produit : en grandissant, les larves transforment l’œil de l’escargot en excroissance multicolore qui évoque irrésistiblement la forme d’une chenille. Les oiseaux se jettent alors sur ce qu’ils croient être une proie, absorbant au passage une nouvelle escouade de vers prêts à se reproduire.
Le cycle peut ensuite recommencer…
Seconde créature au processus de survie hallucinant : Cordyceps unilateralis, que l’on décrit parfois comme un… « hacker de cerveau » !
Ce parasite astucieux n’est pas un animal, mais un champignon.
Les spores du cordyceps unilateralis se déposent spécifiquement sur la surface externe de la fourmi, où elles germent tranquillement. Elles pénètrent ensuite le corps de l’insecte en passant par ses orifices respiratoires. Le champignon va alors grandir à l’intérieur de la fourmi, déployant des filaments qui vont absorber les tissus mous de l’hôte, tout en évitant soigneusement ses organes vitaux. Quand le champignon est prêt à se reproduire, ses filaments poussent jusque dans le cerveau de l’insecte, avant de produire une substance qui va altérer la façon dont la fourmi perçoit les phéromones.
Ce piratage chimique va pousser la fourmi à grimper au sommet d’une plante, ou elle utilisera ses mandibules pour se cramponner fermement à la tige. C’est à ce moment que le champignon dévore le cerveau de la fourmi, tuant instantanément son hôte. Ensuite, le cordyceps va se mettre à pousser depuis la tête de la fourmi en passant par les jointures de son exosquelette.
Une fois mûr, il laisse échapper des petites capsules remplies de spores, qui à leur tour iront infecter d’autres fourmis.
Impitoyable et parfaitement efficace, le cycle de la vie se poursuit.
Les stupéfiantes et très cruelles stratégies élaborées par ces êtres qui parasitent leurs hôtes, vivent en symbiose avec eux, puis les tuent, démontrent éloquemment la foisonnante diversité des adaptations à la survie de telle ou telle espèce.
L’Homme s’en inspire parfois. Au niveau de la cruauté par exemple… Et les récentes images d’exécutions et de lapidations en public en Somalie n’en constituent qu’un exemple parmi quelques milliards !
Hélas -et c’est en partie le sujet de « Katharsis », notre second roman qui est paru en Mars 2010- et de notre essai intitulé : « Les métamorphoses d’Eros« , cette ingéniosité presque sans limite est en train de s’aheurter à un obstacle infranchissable : notre aveuglement suicidaire.
Les affligeantes conclusions du Sommet de Copenhague et de la Conférence de Doha l’illustrent parfaitement : après les grandes envolées mystiques, la lie du quotidien et les exigences de la politique l’emporteront. Et la montagne accouche toujours d’une souris.
Conséquence directe de ces tristes rodomontades : nos descendants vivront beaucoup plus difficilement que les lucifériens cordyceps unilateralis et leucochloridium paradoxum.
Tant mieux pour eux… et tant pis pour nous !