Après leurs « Cathédrales de brume » chez Rivière blanche, l’actrice X Oksana et l’ancien dirigeant de la FNAC Gil Prou livrent un second roman chez Interkeltia, jeune éditeur en progression, mais qui gagnerait à améliorer encore davantage ses corrections. Contrairement à leur précédent livre, pur space opera aux perspectives cosmiques, Katharsis évolue dans les mêmes sphères qu’un « Adae », pour rester dans la même maison, à savoir une anticipation fortement axée sur les préoccupations actuelles.
En 2033, l’humanité poursuit sa marche en avant suicidaire, sans que le réchauffement climatique ou l’explosion démographique ne connaissent le moindre enrayement significatif. C’est le moment que choisissent les membres d’un groupe aux noms changeants (Katharsis, Sol Invictus ou Sysyphus) pour lancer un ultimatum aux dirigeants de la planète : en moins de trois semaines, ces derniers doivent accepter de débuter une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre, cesser la destruction des forêts tropicales primaires et mettre fin à tout esclavage économique. Faute de quoi, les terroristes utiliseront quatre superbombes nucléaires de 1 000 mégatonnes chacune, prétendument en leur possession, pour déclencher l’explosion d’un supervolcan, au risque de provoquer une sixième extinction de masse de toutes les espèces vivantes, à commencer par la nôtre.
Le roman suit donc l’avancée de ce sinistre chronomètre, en se penchant plus particulièrement sur certains individus ou groupes : une famille vivant dans les Cévennes, que les épreuves soudent de nouveau, à l’opposé de celle de Bali, les deux étant liées car issues du même divorce ; la secrétaire générale de l’ONU et ses conseillers, placés au centre de la tourmente ; un blogueur de Sarajevo, à qui l’annonce de la catastrophe permet de surmonter sa dépression sentimentale ; sans oublier quelques personnalités plus ponctuelles.
Ponctuant chaque chapitre, enfin, un aborigène australien s’efforce de donner naissance à la figure d’un serpent arc-en-ciel, apportant à l’ensemble de l’intrigue une certaine mise en abyme (d’autant que les aborigènes ont réalisé autrefois un écocide de leur propre sous-continent).
On retrouve, dans ce « Katharsis », un certain nombre de traits caractéristiques de l’écriture des deux auteurs déjà repérés dans Cathédrales de brume, un goût pour les noms propres particulièrement longs et complexes, une écriture souvent précieuse, ainsi qu’une prédilection pour les échanges verbaux. La lecture se fait toutefois ici plus directe et prenante, en raison du compte à rebours terriblement lourd de conséquences, et on ne lâche que difficilement le roman avant son terme.
Roman de fin du monde, parfois inspiré de James Bond (le scénario de destruction, les numéros de l’organisation criminelle), « Katharsis » s’intéresse également à bien des thèmes, hard science très digeste, philosophie néoplatonicienne, analyse picturale, mais son cœur est celui de Gaïa, dédaignant un peu rapidement la dimension anticipative (quasiment aucun changement technologique ou de vie quotidienne n’est imaginé, en dehors du xylic, epad amélioré, ou d’une connexion cérébrale possible avec le net). Plus curieux, les abris anti-atomiques, qui sont pourtant pour beaucoup toujours debout, ne sont jamais évoqués ni, donc, utilisés…
L’urgence écologique est bien la trame majeure du livre, déclinée ici sur un mode particulièrement pessimiste. Si la critique de cet alibi qu’est le développement durable, du choix des agrocarburants ou de l’énergie éolienne au détriment de l’énergie marémotrice sont des éléments plutôt pertinents, on ne peut que s’étonner de ne jamais voir intervenir les associations actives dans la défense de l’environnement ou les organisations altermondialistes.
De même, les peuples sont ici strictement passifs, seulement esquissés dans leurs réactions face aux communiqués successifs des écoterroristes et dans les scènes de panique qu’ils engendrent. Pas de soulèvement contre des dirigeants pour l’essentiel autistes, donc, alors que la gestion des politiciens est clairement placée sur le banc des accusés ; le capitalisme n’est jamais nommément mis en cause dans la dégradation de l’environnement, et la révolution ne fait pas partie des alternatives envisagées par les auteurs. Leur vision de cette dernière est en effet purement négative, à l’image de la pensée dominante anti communiste.
« Katharsis » est en tous les cas un roman glaçant, dont on peut penser qu’il se veut être un véritable électrochoc pour participer à une prise de conscience nécessaire avant qu’il ne soit trop tard…
Maestro.